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12 ans après, (re)Pilatrail – 44 km / 2200m D+

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La famille Demassieux, en plein effort !

Dimanche 4 Juin 2023, 12 ans après l’avoir fait en 2010, puis en 2011, me voilà de retour dans le massif du Pilat. À l’époque, cette course avait été ma première expérience de trail « long » : malgré un orage monumental en 2010 et quelques chutes, j’y avais contracté le dangereux virus du trail de montagne.

Cette année donc, nous étions 3 de la famille au départ : sur le 44km se suis accompagné de ma sœur Delphine. Geoffroy, en pleine préparation pour un objectif plus sérieux, court sur le 21km. L’affiche réalisée par Des Bosses et des Bulles, qui figure sur le site de la course, me fait sourire : on dirait la famille Demassieux (un peu rajeunie) en pleine descente dans les chirats.

Je reviens sur des terres « connues » avec pas mal d’expérience accumulée en trail. L’occasion d’un petit retour arrière : 15 ans de pratique du trail, avec entre 800 et 1000km d’entraînement par an, et plus de 1500km courus en compétition. Je tiens un petit fichier de suivi de mes compétitions. La vitesse de chaque course dépend bien entendu de la distance, du dénivelé, de la technicité du parcours, de la météo, et de la forme du moment, mais je constate que l’âge vient… et que mes vitesses moyennes baissent sensiblement.

Petit récapitulatif de mes trails passés

Je suis resté cette année sur une base d’entraîment modéré, mais régulier (une vingtaine de km par semaine). Comme à mon habitude, je me prépare un petit plan de course sur un fond de carte 25 000ème, un profil et un roadbook visant une arrivée entre 7h et 7h30. Les temps de courses sont estimés avec un petit modèle linéaire dépendant de la longueur, du D+ et du D- de chaque étape, dont les coefficients sont tirés de mes courses précédents.

Côté matériel, je pars aussi léger que possible, avec quelques barres de céréales faite la semaine précédente (ici, la recette que je suis) et quelques pâtes de fruits maison, la trousse de secours habituelle et une petite Goretex légère.

Un réveil à 5h45, une petite heure de route, et nous voilà à Véranne. L’organisation est toujours excellente, et c’est très rapidement que l’on passe des parkings au départ, via le retrait des dossards.

8h00 – Aire de départ sur la place centrale de Véranne
8h00 – Prêts au départ

Section 1 Véranne – Col du Grateau

8h. Après le briefing d’usage, c’est parti. On commence par un petit tour de 800m dans le village pour étirer le peloton. Au moment où nous repassons tout prêt de la ligne de départ, je me rends compte que j’ai oublié de déclencher mon chrono… erreur vite réparée. Très vite, nous entammons une petite montée dans les bois. pour une petite grimpette de 100m de dénivellé : on va dire que c’est la mise en jambe pour la journée. Après une petite descente, le tracé de la course suit ensuite un beau chemin ombragé qui monte très régulièrement pendant 4-5km, passant quelques hameaux : Cubusson, La Terrasse. Quelques habitants sont sur le pas de leur porte pour nous encourager.

Nous rentrons dans les bois et ça monte de plus en plus franchement. Le temps reste nuageux et il fait bien frais, ce qui ne m’empêche pas de commencer à transpirer abondament… Heureusement que nous n’avons pas, aujourd’hui, la même canicule qu’hier !

Je me retourne et je ne vois plus Delphine ; je décide de continuer sans elle, certain qu’elle me rattrapera dans l’une des montées sévères qui sont encore devant nous. Je monte régulièrement et je réalise que je me sens bien mieux dans cette montée que lors de ma dernière sortie, il y a tout juste une semaine. Je réalise la chance que j’ai d’être là, de me sentir bien vivant au milieu de cet effort intense.

La pente se radouci quelque peu et, avant la chapelle Saint-Sabin, la piste emprunte une « single track » sur une petite crête. La vue est superbe, mais il faut commencer à se concentrer : ça tourne, il y a des pierres et des racines, et ça donne un bon avant-goût de ce que seront les prochains 33 km!!! On sort de la forêt une cinquantaine de mètres avant la chapelle et nous entamons une courte descente vers Saint-Sabin puis nous remontons. Au km 12, la trace emprunte une petite route goudronnée pendant quelques centaines de mètres et j’ai le plaisir de voir Thierry, qui est monté depuis Véranne,en VTT à travers les ronces pour venir nous encourager. Il m’accompagne quelque minutes puis repart en arrière pour attendre Delphine.

Nous repartons sous bois pour une montée assez rude vers le rocher de Chauchibat, sous le crêt Peillouté. Je m’applique depuis le début de cette ascension à bien pousser sur mes bâtons pour économiser mes cuisses. Nous redescendons ensuite vers le col du Grateau où nous attend le premier des trois ravitaillements de la course. Je salue au passage un gentil photographe qui promet à tous les coureurs une photo gratuite.

En plein effort – © Julien Glintz

Mon temps de passage est enregistré en 2h03 et je suis alors 298ème de la course. Je suis un peu plus rapide que ce que j’avais envisagé dans mon roadbook, qui prévoyait 20mn de plus pour faire cette section. Je me demande si je ne suis pas parti trop vite, mais je me sens toujours très bien. Le ravitaillement se passe assez vite : ce sera régime banane (pour le magnésium et tenter de retarder les crampes) et Tuc (pour compenser le sel perdu en transpirant)… J’essaye de refaire le plein d’eau, mais je n’arrive pas à ouvrir les bouchons de mes flasques ; mes mains sont trop moites. Une bénévole m’aide gentiment à les ouvrir, et à les emplir, et je repars assez rapidement.

Section 2 Col du Grateau – La Scie Grandjean

Nous repartons dans une montée. Aux environ du km 14, nous sommes soudain rattrapés par les 2 premiers du 21km. Les deux coureurs trotinnent quand nous montons tous en marchant. Ils sont partis 45mn après nous, et ils nous rattrapent 2h15 seulement après notre propre départ. Bref, quand nous sommes montés à 6,2km/h, ils ont fait le même chemin que nous à plus de 9,3km/h.

Nous sortons de la forêt. La trace se redresse encore et nous traversons un chirat très pentu. Il n’y a plus de sentier : les organisateurs ont posé leurs petit fanions rouges de proche en proche, au milieu des gros blocs de pierre. Je tâche de trouver la meilleure trajectoire pour monter à l’économie. Je veille aussi à éviter de planter les bâtons dans les interstices entre les rochers : ce serait la meilleure manière de les briser et de perdre une aide appréciable pour tout le reste de la course.

Les chirats sont une formation géologique très particulière : on dirait un ébouli, mais en fait, il s’agit d’une formation résultat de l’altération par les cycles gel-dégel de la dernière ère glacière, d’un gros rocher qui s’est disloqué « en place » pour former ces tas de cailloux, qui bouge maintenant très lentement vers le bas, à la manière d’un « glacier de pierre ». Cet excellent site nous explique tout sur le mécanisme de leur formation.

Les chirats, vus d’en bas – © Julien Glintz

J’adore ce genre de terrain, et je me rends compte que je progresse bien plus rapidement que les autres coureurs autour de moi. Il y a tellement de pente que certains posent les mains sur les rochers. Je ressens toutefois les prémisses de crampes dans les cuisses. Nous ne sommes qu’au km 15, mais je ne m’inquiète pas car je sais qu’une longue descente nous attends, descente qui va permettre de bien relâcher les muscles qui ont travaillé jusque-là dans l’effort « concentrique » nécessaire aux montées.

Nous débouchons au col de l’Étançon, où je me retourne pour voir si Delphine est visible en bas du chirat. Je ne la vois pas, mais j’en profite pour prendre une photo.

10h36 Belle montée dans le chirat sous le col de l’Étançon

Changement de paysage nous traversons maintenant des espaces herbeux sous le crêt de la Perdix. Cette petite descente à l’herbe douce contraste agréablement avec la montée dans les cailloux. Mes jambes apprécient ce changement de terrain.

Je me fais plaisir dans la longue descente (700m de dénivelé négatif) qui suit. Je me retrouve souvens seul et je m’applique à courir de manière relachée, musculairement, tout en restant très concentré sur mes trajectoires pour éviter les chutes. Je fais aussi l’effort de courir le plus possible « avant-pied », pour mieux amortir les chocs et atténuer les efforts de mes quadriceps, qui fonctionnent maintenant « en excentrique ». Je pense à mes quelques kilos de trop qui ne sont pas très bon, ni en montée (il faut les soulever), ni en descente (ils amplifient les chocs). Mais bon… je parviens à dépasser de nombreux coureurs qui descendent moins bien que moi.

À mesure de la descente, je sens que la température extérieure augmente, à tel point que, passant le long d’un torrent bien alimenté par les orages de la veille, je m’arrête quelques instants pour m’asperger copieusement d’eau fraîche. Je profite à fond de ce petit moment de bonheur.

Je parviens en 3h45 à la Scie Grandjean, ou m’attends le second ravitaillement. Bonne nouvelle, je suis en avance de 10mn sur mon tableau de marche et j’ai remonté 19 places dans la descente. Mauvaise nouvelle, il n’y a quasiment plus rien à manger au ravitaillement, qui a été dévalisé par les coureurs précédents. Un dialogue imaginaire me fais sourire « Pas le moindre morceau de banane, ni de gâteau Tuc ». Je pense à « aller crier famine chez la fourmi ma voisine ». « Que faisiez-vous au temps chaud? », me dirait-elle ». Ce à quoi je répondrais « Nuit et jour à tout moment Je courais, ne vous déplaise ».

Je reprends juste un peu d’eau (pas trop, car une longue montée m’attends) et je quitte le ravitaillement en marchant, piochant dans les barres de céréales.

Section 3 La Scie Grandjean – Crêt de l’Œillon

C’est le début d’une longue montée dans la forêt … Ces 500m de D+ mettent de nouveau mes cuisses à rude épreuve et des mini-crampes se manifestent à mesure que je monte. Finalement, nous débouchons sous le crêt de l’Œillon que je vois environ 100m plus haut. Nous lui tournons le dos pour emprrunter un chemin forestier qui va s’enrouler autour de la montagne, descendant puis remontant en pente douce pour revenir, 6 km plus loin… de l’autre côté du crêt de l’Œillon. C’est le moment, pour ceux le peuvent encore, de se remettre à trottiner. J’alterne course et un peu de marche, mais cette section de chemin forestier sans charme et sans vue me paraît vraiment longuette.

Enfin, nous quittons ce chemin forestier pour reprendre une piste « single track » plus amusante. Le temps devient menaçant et les premiers coups de tonnerre retentissent, pas très loin de nous. Au détour d’un sentier, je vois Thierry, monté à pied nous attendre. Il me dit que Delphine est annoncée aussez loin derrière moi (presque 15mn) par le logiciel de suivi de course. J’espère que tout va bien pour elle. Nous échangeons quelques instants, mais la pluie se met à tomber assez fort : pause forcée pour sortir la veste Goretex et l’enfiler. La pluie transforme rapidement le chemin caillouteux qui s’élève vers le crêt de l’Œillon en petit ruisseau : je m’applique à ne pas trop mouiller mes pieds.

Le sentier devient de plus en plus technique, et fini par traverser un second grand chirat, juste sous le crêt de Œillon. Avec l’orage, l’athmosphère est devenue très montagnarde. Les antennes telecom du spectaculaire émetteur du Mont Pelat crépitent et j’apprécie la vue de la croix, au premier plan, devant l’immense tour télécom. Le paysage est spectaculaire : à l’est, la vallée du Rhône est totalement ensoleillée et l’orage gronde toujours à l’ouest. Je prends quelques photos.

14h20 Montée du chirat vers le crêt de l’Œillon
14h20 Atmosphère d’orage au crêt de l’Œillon
14h20 Un beau paratonerre au crêt de l’Œillon

Je ne m’éternise pas et j’entamme la descente vers le col de l’Œillon où se tient un point de contrôle. Je le passe au bout de 6h30 de course, ayant encore remonté 9 coureurs depuis le point de contrôle de la Scie Grandjean.

Section 4 Crêt de l’Œillon – Véranne

La dernière section sera « tout plaisir ». D’abord, c’est le spectaculaire passage sous les 3 dents, dont les contreforts sont tapissés par des genêts en fleur. D’en bas, on voit très nettement les coureurs se détacher sur la ligne de crête. Par trois fois il faut grimper, passer quelques blocs, redescendre à flanc pour attaquer la « dent » suivante. La vue est spectaculaire, mais il faut rester très très concentré. Il y a des cailloux, des racines, des sentiers en dévers, des trous masqués par la végétation. Quelques points délicats sont protégés par des bénévoles, des pancartes et des cordes. Par contre, ça n’est pas vraiment « aérien », et même ceux que le vide inquiète doivent pouvoir passer. 

La descente vers les 3 dents est assez technique © Julien Glintz
14h30 Descente du col de l’Œillon vers les 3 dents
14h40 Montée vers les 3 dents
14h50 Le crêt de l’Œillon vu depuis le Pic du Midi des 3 dents

La 3ème dent passée, on entamme la descente vers la croix du Trève. Le sentier forestier est assez technique, avec beaucoup de pierres et de racines. Je lâche les chevaux et me fait plaisir dans cette longue descente, dépassant de nombreux coureurs dont certains semblent avoir très mal aux cuisses. Plus je descends, plus la température remonte, et il me faut rapidement retirer la veste. Arrivé à la croix du Trève, il faut remonter une 50aine de mètres de dénivelé, le dernier « coup de cul » de la journée. La descente vers Véranne commence mais je passe très près de faire une erreur de parcours à cause… d’un moucheron! En fait, j’aspire le moucheron qui se coince dans ma gorge, me faisant tousser. Alors que je suis occupé à boire de l’eau pour essayer d’enlever cet hôte indésirable, je loupe une marque de balisage et m’engage dans le mauvais sentier. Fort heureusement, il y avait un coureur juste derrière moi, que je venais de dépasser. Très gentiment (et plus vigilant que moi), il m’averti de mon erreur, ce qui me permet de me remettre très rapidement sur le droit chemin.

Descente, replat, descente, replat, descente… j’avalle rapidement les 3 dernier km à l’allure fabuleuse, après plus de 7h d’effort, de 5mn20/5mn30 au kilomètre.

Entrée dans le village. Encore 10m de montée séche, puis c’est la traversée de la rue principale et le portique d’arrivée. Le speaker annonce mon temps de 7h30mn et que je suis le 3ème de ma catégorie (Master 5 – soit les 60-64 ans). C’est le tout premier podium de ma carrière de trailer, podium tout virtuel car cela fait longtemps qu’on ne récompense plus que les 1er des catégories… de vieux.

Geoffroy arrive quelques instants plus tard : d’après les prévisions du logiciel de suivi des coureurs, il ne m’attendait que 15mn après, et était occupé à déguster sa paella d’après-course quand il a entendu le speaker mentionner mon nom. Il faut dire que j’ai encore fait une belle remontada, dépassant 28 coureurs dans la dernière section.

Nous échangeons nos impressions sur nos courses respectives. J’ai fait toute la course dans un état de sérénité très agréable. C’était dur, mais je n’ai pas vu passer le temps et je ne m’attendais pas à me sentir si bien.

Delphine arrive, une douzaine de minutes plus tard, et est annoncée 1ère de sa catégorie (Master 4). Elle bénéficiera d’un petit lot de produits du pays.

15h40 Arrivée de Delphine

Un grand merci aux organisateurs du Pilatrail : l’organisation était quasi-parfaite de bout en bout, mis à part un petit manque de vivires dans les 2 derniers ravitaillements. Et un grand bravo à tous les concurrents qui ont été au bout de cette épreuve.

2 commentaires sur “12 ans après, (re)Pilatrail – 44 km / 2200m D+”

  1. Retour de ping : Yearbook 2023 perso - Nicopedies

  2. Tu n’as pas donné le classement de Geoffrey.
    Félicitations à Delphine pour cette 1ère place et à toi pour cette très belle performance et ce reportage comme si on vous avait accompagné.

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