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Frédéric Ragonneaux (1885-1926), artiste peintre

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Trois petits dessins m’avaient intrigués lors de mon dernier passage chez mes tantes, qui les avaient acquis dans une brocante. Il s’agit manifestement de l’œuvre d’un poilu. J’avais fait des photos de ces dessins, que j’avais trouvés particulièrement marquants. Mais qui est l’auteur et quel a été sa vie ?

Dessin de Guerre, Frédéric Ragonneaux
Dessin de Guerre, Frédéric Ragonneaux
Dessin de Guerre, Champenoux (Bataille du Grand Couronné), octobre 1914, Frédéric Ragonneaux

Quelques mois plus tard, je mène ma petite enquête pour identifier l’auteur de ces dessins de guerre. Deux des dessins sont signés « F. Ragonneaux ». La chance est avec moi, car le nom Ragonneaux est peu commun. La consultation du grand mémorial de 1914-1918 m’indique qu’un seul poilu répond à ce nom : Frédéric Ragoneaux, né le 25 avril 1885 à Bordeaux. Il est le fils de Léo Ragonneaux (1857-1919), négociant à Bordeaux et de Adèle Lods (1862-1946).

Acte de naissance de Fréderic Ragonneaux

Il suit l’école municipale des Beaux-arts de Bordeaux et y est distingué lors du discours de remise des prix de 1906.

Si je me suis interdit, poursuit M de La Ville de Mirmont, de parler de nos élèves en cours d’études, je dois faire une exception pour un élève qui est devenu un maître alors quel appartenait encore à l’école, et citer le nom de Frédéric Ragonneaux, qui a interrompu ses travaux à la classe supérieure de dessin pour obtenir au concours en avril 1906 le diplôme de professeur de dessin dans les lycées et collèges.

La Gironde, 1 août 1906

Au concours de fin d’année juin 1910 il obtient le 1er prix (avec félicitations du jury) de la classe de peinture, avec une œuvre « tête d’expression », conservée au musée des Beaux Arts de Bordeaux.

Tête d’homme, Frédéric Ragonneaux, 1910 – Musée des Beaux Arts de Bordeaux

Un détour par les archives départementales de la Gironde me donne accès à sa fiche militaire qui fournit de nombreux renseignements.

ll est « étudiant » lorsqu’il est incorporé en 1907 comme Dragon de 2ème classe et terminera son service militaire en septembre 1909, en tant que Brigadier fourrier.

En 1912, il est mentionné qu’il réside au 14 cité Falguières, à Paris. Il s’agit de l’adresse de l’Hotel-Villa Falguière, située au fond de la cité Falguière où le sculpteur Jules-Ernest Bouillot avait construit en 1871 trente ateliers d’artistes. Bon marché, proche de Montparnasse, devenu le principal pôle des artistes entre 1910 et 1940 (les Montparnos), la cité Falguière a vu défiler avant guerre de nombreux artistes devenus célèbres : Modigliani, Brancusi, Soutine, Lipchitz, Foujita…

L'hôtel
L’hôtel La villa Faguière avant sa destruction, en 1961

Frédéric Ragonneaux ne connaîtra pas la célébrité, mais on peut imaginer qu’il y a mené une vie d’artiste pendant 5 ans entre 1909 et 1914 et qu’il a pu y côtoyer Modigliani, Soutine et Foujita, qui y ont résidé pendant la même période. Croisement des destins : par un curieux hasard, quelques temps avant que je m’intéresse aux dessins de guerre de Frédéric Ragoneaux, nous avions visité la maison-atelier de Foujita et admiré la chapelle qu’il a magnifiquement décorée à Reims.

Dès le début des hostilités, le 4 août 1914, notre aspirant artiste-peintre est mobilisé au 15ème régiment de Dragons. Son dossier militaire le décrit comme un sous-officier courageux et il est cité à trois reprises, étant même décoré de la Croix de Guerre :

Excellent sous-officier qui a montré beaucoup de courage et d’allant dans les reconnaissances dont il a été chargé et a assuré pendant 3 mois consécutifs sur un secteur fréquemment et parfois violemment bombardé, la liaison entre l’arrière et la première ligne. Croix de guerre, Étoile de bronze.

Ordre du Régiment n°173 du 10 juin 1916 (212ème RI)

Détaché comme agent de liaison, auprès d’un bataillon engagé, s’est remarquablement acquitté de sa mission et à rapporté des renseignements précieux. A eu son cheval tué sous lui.

Ordre de la Brigade n°119 du 31 août 1918

Agent de liaison auprès du chef de bataillon. A parfaitement rempli les missions qui ont été données. Pour assurer la coordination des mouvements. Des compagnies ? C’est porté volontairement au secours d’un blessé sur un terrain très battu par le feu des mitrailleuses.

Ordre du Régiment n°490 du 12 avril 1918

Il survit à la guerre et est démobilisé le 28 mars 1919. Quatre mois plus tard, il se marie le 23 juillet 1919 à Montendre, avec Lucie Blanchard. Le couple aura un fils, Jean Ragonneaux, né le 3 octobre 1920 à Paris. Son dossier militaire le décrit encore comme « artiste-peintre » en 1921, mais, à part le tableau de jeunesse primé que j’ai reproduite plus haut, je n’ai pas trouvé d’autre mention de son œuvre.

Le recensement de 1926 nous apprend qu’il réside au 81 rue Lauriston, Paris, avec son épouse et son fils Jean et qu’il est alors « employé ». A-t-il, vers 40 ans, abandonné son rêve de devenir artiste peintre? La dernière mention de son dossier militaire est celle de son décès par suicide, à Montendre, le 15 septembre 1926, où il est enterré dans un caveau familial.

Son fils Jean aura de nombreux enfants. Un de ses petits-fils, Guy Ragonneaux sera diplômé de l’école Boulle et une de ses arrière-petite-filles est artiste peintre, exposant sous le nom de RILE.

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