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Pierre-Joseph Moricet (1775-1850) et sa villa du carrefour de Montreuil

Jean Lagny, Revue de Versailles 1970, édité en 2022 par Nicolas Demassieux

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Villa Moricet, 2 place Alexandre 1er, Versailles, dans son état actuel (Source Google Maps)

Jean Lagny (1911-2001) est un historien. Attaché à l’histoire de Versailles, mais aussi à l’histoire familiale, on lui doit de nombreuses recherches. Publiées dans des revues spécialisées, elles ne sont pas accessibles via Internet. Ayant retrouvé un tiré à part de cet article que Jean Lagny avait envoyé, dédicacé, à mes grands-parents Jacques et Éliane Demassieux, j’ai trouvé l’histoire de Pierre-Joseph Moricet intéressante à plus d’un titre. Au-delà de son aspect purement familial (nombre de mes ancêtres et parents sont cités), on peut aussi y voir un histoire emblématique d’ascension sociale au milieu du XIXème siècle.

Les notes sont celles de Jean Lagny. J’ai inséré quelques liens hypertexte et les illustrations, qui ne figurent pas dans l’article original.

En 1848, l’impartial de Seine-et-Oise, dans son numéro du 2 avril, publiait un petit article anonyme, qui vantait les charmes d’une jolie habitation sise au pied de la « butte de Montbauron », « résidence d’été délicieuse », « « d’origine presque princière », « restaurée tout récemment ». Sur la façade de cette maison, ajoutait l’auteur, on lit : VILLA MORICET. Et de nous montrer les badauds, nos placides jardiniers et nos gaies et pimpantes blanchisseuses de Montreuil, faisant cercle devant la grille, et s’interrogeant sur le sens de ce vocable mystérieux : villa. Un passant de bonne volonté leur prodigue alors les explications. « Je vois bien que pas un de vous n’a mis le pied en Italie, déclare-t-il. Villa … signifie tout simplement maison de campagne… Doutez-vous que M. Moricet ait voyagé en Italie ? Moi je n’en doute pas : il a apporté cette fantaisie des environs de Rome ou de Florence… »

Villa Moricet. De nos jours encore on désigne souvent ainsi, quoique l’inscription ait disparu depuis longtemps, le bel hôtel qui s’élève au n°2, place Alexandre-Ier (naguère carrefour de Montreuil), également appelée hôtel d’Estrades. Mais qui donc était ce Moricet, dont le nom a réussi braver l’oubli, grâce sans doute ces simples mots dont s’ébahissaient jadis les habitants du quartier ? Paul Jarry, dans la notice qu’il a consacrée la maison du carrefour de Montreuil[1]Paul Jarry, La Guirlande de Paris, ou Maisons de plaisance des environs, au XVIIe et au XVIIIe siécles, 2e série, Paris, 1931., ne lui donne même pas de prénom ! Il m’a semblé mériter qu’on lui consacrât quelques pages, d’autant que l’existence de ce riche bourgeois, parti de rien, ainsi qu’on le verra, ne fut pas dépourvue de curieuses péripéties – sur lesquelles on pardonnera, je l’espère, l’un de ses descendants de s’être un peu trop longuement étendu[2]Je remercie vivement tous ceux l’obligeance desquels j’ai eu recours pour mettre au point cette étude, et particuliérement Me Drouant, Me Mahot de la Querantonnais et Me Poisson, … ...Lire la suite.

Pierre-Joseph Moricet naquit à Poitiers, où il fut baptisé le 19 mars 1775 dans l’église Sainte-Opportune. Son père, Pierre René (1752-1804), était boulanger, fils de boulanger ; il avait épousé Thérèse Cognac (1752-1830), fille de Charles et de Catherine Coullaud, dont l’un des frères devint notaire ; leur mariage fut bénit le 9 février 1773, en l’église Sainte-Radegonde, par Jean Moricet, vicaire à Marnes (aujourd’hui dans les Deux-Sèvres), frère de René[3]Je trouve ce dernier renseignement dans l’ouvrage suivant : La Bannière, Soixante-quatre quartiers, Paris, 1951. L’auteur en est Jean Tremblot de la Croix, ancien conservateur en … ...Lire la suite. Pierre-Joseph Moricet vint Paris, j’ignore à quelle date. Il s’y maria en 1805, et le contrat qui fut signé le 18 septembre nous apprend qu’il était alors « chapelier Paris, demeurant Paris, rue de Grenelle Saint-Honoré (aujourd’hui rue Jean-Jacques-Rousseau) n°16, division de la Halle aux bleds »[4]Archives Nationales, Minutier central des Notaires de la Seine, étude CVII, liasse 682 (Me Guenoux, actuellement étude de Me Drouant).. Son apport consistait en un fonds de chapellerie « que le d. s. futur époux exerce et dont il est propriétaire, au moyen de l’acquisition qu’il en a faite de Mr Jacques Huet et de Me Henriette Guillaume son épouse, moyennant la somme de 6 000 francs encore due » – l’acte de vente ayant été signé la veille. On peut supposer qu’avant d’acheter le fonds, il avait travaillé chez Jacques Huet en qualité de commis : simple hypothèse toutefois[5]Aurait-il par hasard, avant de venir Paris, habité Auxerre ? Le premier de ses témoins est Jean-François Maignan, notaire en cette ville, « ami ».. En tout état de cause, c’était là un départ bien modeste. Il est vrai que son mariage lui apportait de sérieux appuis.

Moricet épousait Marie-Catherine Sibire (1783-1858), fille d’André (1754-1834), maître bonnetier rue Saint-Antoine, et de Marie-Charlotte Danthon, originaire d’Étampes. Les Sibire étaient, de longue date, bourgeois de Paris[6]Cf. (P.-E. Deverin), Généalogie Sibire, Bull. de la Soc. héraldique de France, I, 1879, pp. 283 et suiv.. Le premier qui nous soit connu, Jean, né vers 1600, établi sur la paroisse Saint-Sulpice, rue des Vieilles-Tuileries (aujourd’hui rue du Cherche-Midi), exploitait sous Louis XIII les carrières de la rive gauche ; et l’on retrouve des carriers dans les générations qui suivirent, à côté d’épiciers ou de serruriers, mais aussi d’un huissier priseur, d’un notaire royal, qui fut échevin de Paris, d’un commissaire-priseur, d’un manufacturier à Reims. Un frère de notre André, Sébastien, fut un bien curieux personnage : missionnaire en Afrique, puis curé assermenté de la paroisse Saint-Jean-Saint-François du Marais, c’est en cette qualité qu’il prêta à l’abbé Edgeworth les ornements et les vases sacrés qui servirent la messe célébrée dans la chambre de Louis XVI, le matin de sa mort. Collectionneur passionné d’instruments à cordes, dont il avait réuni un prestigieux ensemble, il est l’auteur d’un Manuel du parfait luthier[7]Cf. J. Vinot-Préfontaine, Un curé de Paris sous la Révolution, Rev. des Etudes histor., XCVIII, 1932, pp.127-164..

Marie-Catherine Sibire avait épousé en premières noces, en 1802[8]Contrat du 17 germinal an X (7 avril 1802), Minutier central, étude CVII, liasse 674., un pharmacien d’Etampes, Pierre Valery Guenée jeune, « employé l’armée des Grisons » ; mais le divorce fut prononcé dès le 7 décembre 1803. Elle apportait en dot un trousseau d’une valeur de 1 200 francs, 8 000 francs à payer dans 18 mois fixes du jour de la proclamation du mariage, plus une somme de 2 800 francs. Une partie de sa dot servit-elle payer le fonds de chapellerie[9]Notons cependant que, selon Tremblot de la Croix, op. cit., p. 57, Moricet aurait été commandité par le banquier Louis Doulcet d’Egligny, cousin par alliance d’André Sibire. ? Parmi les témoins qui signèrent son contrat, mentionnons le célèbre oculiste Pierre Demours, dont la mère était une Sibire, cousine germaine d’André.

Le ménage Moricet eut trois filles : Marie-Adèle (1806-1827) et Marie-Florence, dite Irma (1809-1871), que nous retrouverons, et, entre les deux, Esther, morte en bas âge.

Les affaires de notre chapelier prospérèrent rapidement ; pour s’en convaincre, il suffit de consulter la série des Almanachs du commerce. En 1811, il est devenu « chapelier de la Garde impériale » ; en 1813 (je n’ai pu voir l’Almanach de 1812), il a considérablement étendu le champ de ses activités, puisqu’il est qualifié de « galonnier, frangier et passementier, fournisseur de la Garde impériale » : voilà certes une belle source de revenus.

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Moricet, fournisseur de la Garde impériale, r. de Grenelle-S.-Honoré,16 (Almanach du commerce de Paris 1913 – Source Gallica B.N.F.)

Vient la Restauration ; tout semble se passer pour le mieux, puisqu’en 1815[10]Je n’ai pas vu l’Almanach de 1814 ; comme celui de 1812, il manque la collection de la Bibliothèque histor. de la ville de Paris., on le trouve « chapelier et passementier de Mgr le duc de Berry ». Probablement pour s’agrandir, il a transféré son commerce 12, rue de Richelieu ; il est mentionné cette adresse jusqu’en 1819, après quoi le nom de Moricet disparaît de la liste des commerçants parisiens : il est remplacé comme chapelier, au 12, rue de Richelieu, par un nommé Dassier[11]Almanach des adresses de tous les commerçants de Paris, 1820.. S’est-il déjà retiré, fortune faite, à quarante-cinq ans ? A-t-il reporté ses activités dans un autre domaine, la finance par exemple[12]C’est ce qu’assure J. Tremblot de la Croix, loc. cit. : « Financier à son tour, il réussit dans toutes ses entreprises ». On ne peut malheureusement accepter sans … ...Lire la suite ? Je l’ignore. Entre temps —autre indice de son rapide enrichissement— il était devenu propriétaire dans la capitale. Le 21 novembre 1812, d’abord, il achète un immeuble au n°7 de la rue du Grand-Chantier (aujourd’hui partie de la rue des Archives comprise entre la rue des Haudriettes et la rue Pastourelle) ; deux ans plus tard, le 23 décembre 1814, il acquiert de la clanque de France un autre immeuble, rue des Fossés-Montmartre (aujourd’hui rue d’Aboukir), n°6[13]Cf. Liquidation de la succession Moricet, 10 avril 1858, Minutier central, étude LXVIII, liasse 1101 (Me Mocquard, actuellement étude de Me Mahot de la Querantonnais). Ces deux immeubles ont été … ...Lire la suite. C’est là qu’il sera désormais domicilié, et cela jusqu’en 1838 ou 1839.

En 1823, Pierre-Joseph Moricet devient propriétaire à Versailles ; dorénavant il passera une partie de l’année dans cette ville. Il est possible qu’il y ait séjourné avant, et qu’il ait loué, comme maison de campagne, un hôtel rue de l’Orangerie[14]Tremblot de la Croix, loc. cit., qui indique la date de 1824, manifestement erronée. ; je n’ai trouvé aucun document le confirmant. Ce qui est sûr, c’est que le 18 août 1823, par devant Me Viaud et son confrère, notaires à Paris, il achète pour la somme de 10 000 francs, avec entrée en jouissance le 1er janvier 1824, de M. Marin Bernardin Denise, avocat la Cour royale, maire du 9e arrondissement, et de Mme Joséphine-Louise-Laurence Colson, son épouse, demeurant Paris, 76, rue Saint-Antoine, une propriété située 32, boulevard de la Reine, « tenant par devant au boulevard, par derrière au Collège royal, d’un côté au sieur Besozzi et d’autre aux veuve et héritiers Cauchois ». Denise l’avait lui-même acquise en 1819 d’Alexandre-Pierre Bellet de Mirrelon, contrôleur des contributions Quimper, et d’Elisabeth-Julie-Désirée de la Hubaudière, son épouse[15]Copie de l’acte de vente aux Archives de !’Enregistrement et des Domaines Versailles, registre 322, n° 20165. La maison était bâtie sur un terrain concédé par brevet du roi en … ...Lire la suite.

La propriété en question, qui portait au début du XIXème siècle le n°75, se trouvait l’emplacement qu’occupent actuellement les n°88 et 90[16]Un plan des rues de Versailles, dressé en 1843, conservé aux Archives départementales, m’a permis de la localiser de façon à peu près assurée. Grâce l’amabilité de Mme Kont, … ...Lire la suite. La maison se composait, sur le boulevard, d’un rez-de-chaussée, de deux étages et d’un troisième en mansarde, mais, sur le jardin, seulement d’un étage et d’un second en mansarde, « attendu l’élévation du terrain qui se trouve au niveau du premier étage du boulevard ». A côté s’étendait une petite cour pavée, derrière, un jardin de 8 ares 44 centiares. Le recensement de 1824, conservé aux Archives municipales, qui nomme, comme propriétaire, « Moritet (sic) Pierre Joseph »[17]Les recensements écrivent son nom tantôt Moricet, tantôt Moriset, Morisset ou Maurisset. Quant à celui de sa femme, il est presque régulièrement estropié., et qui évalue le loyer 400 francs, précise que ce Moritet occupe la maison avec sa femme et ses deux filles, plus trois domestiques. Le recensement de 1825 la qualifie de « pied à terre ». Mais celui de 1826 remplace cette mention par « belle maison et propriété », d’un loyer de 1 000 francs, indiquant qu’il y a eu de nouvelles constructions, augmentant de dix le nombre des ouvertures, et qu’à la maison proprement dite s’est ajoutée une loge de portier : celle-ci, tant que les Moricet seront propriétaires, restera occupée par un certain Huvier, jardinier, sa femme, née Chiboust, et leur fils. Les domestiques sont au nombre de quatre, deux hommes et deux femmes ; en 1836, ils seront cinq, sans compter les Huvier.

Les Moricet se trouvèrent bientôt l’étroit dans leur propriété, d’autant que, nous le verrons, ils marièrent leur fille ainée au début de 1826. Aussi, le 18 novembre de cette année, par devant Me Delapalme et son confrère, notaires Versailles, ils achetèrent à la veuve et aux héritiers Cauchois le jardin clos de murs qui portait le n°34 (ancien 74). Il s’y trouvait un petit bâtiment composé d’une salle et d’un grenier. Le prix stipulé était de 5 500 francs, payables après le décès de la veuve : la somme fut réglée le 12 février 1835[18]Archives de l’Enregistr., reg. 366, n° 22 527. Le jardin tenait à l’est à la propriété d’un certain Noutier ; celui-ci vendit en 1830 un nommé Haering (ou Ohring), qui en … ...Lire la suite. Puis, le 1er avril 1828, Louis-Jules Perrier, pharmacien, et Thérése-Adéle-Constance Lemerle, son épouse, leur vendirent le jardin portant le n°30. Clos de murs et planté d’arbres fruitiers, d’une contenance de 7 ares 35 centiares, il comportait « un petit bâtiment attribué à une salle basse servant de serre, une petite pièce pour serrer les outils, grenier au-dessus ». Figuraient dans la vente « dix arbustes en caisses, dont six orangers, deux arbouziers, un magnolia et un clétra (clethra), étant actuellement au jardin de Trianon Versailles ». Le tout était acquis moyennant 3 600 francs, dont Moricet se libéra définitivement le 1er avril 1832[19]Etude de Me Duverger de Villeneuve, Versailles (auj. étude de Me Bekelynck). Quittance lui fut donnée par Adolphe-Louis-Joseph Tourtebatte, marchand charcutier, 66, rue de la Paroisse ; … ...Lire la suite.

Par ses acquisitions successives, Moricet avait donc fini par se constituer, sur le boulevard de la Reine, une belle propriété, dans laquelle il put se livrer à son amour de la construction. Le plan de 1843 montre qu’elle se développait sur une longueur de près de cent mètres, dont une partie importante était bâtie, et qui correspondait en gros aux n°86 à 90 bis actuels. Sur le recensement de 1841, on a noté, au crayon malheureusement, ce qui rend indéchiffrables quelques indications, que la maison principale se composait d’une salle de billard, un salon, un petit salon, une salle manger, antichambre, une salle de bains, et une chambre de maître au rez-de-chaussée ; trois chambres au premier, autant au second, cuisine, office, deux chambres de domestiques. Il est plusieurs fois spécifié qu’il ne s’agissait là que d’un « pied à terre » ou d’une « maison de campagne » ; dans le recensement de 1843 par exemple, on lit que « M. Moricet est absent pour l’été, mais sa maison est toujours garnie de meubles et il reviendra l’habiter cet hyver ».

Moricet resta propriétaire jusqu’en 1848. Cette année-là, le 14 octobre (il habitait alors sa belle demeure du carrefour de Montreuil, que le recensement de 1847 appelle « château de Monbauron », et dont celui de 1848 signale qu’elle est « complétement terminée »), par acte passé devant Me Pichard et son confrère, notaires Versailles, il vendit à M. Alexandre Stralzi Coëffier, propriétaire, rue du Temple, n°119, Paris, pour la somme de 21 000 francs[20]Archives de l’Enregistr., reg. 706, n°35 519. Le recensement de 1848 précise que la maison est vacante en totalité, « partie en réparations, partie en démolition ». Coëffier … ...Lire la suite.

Mais revenons un peu en arrière. En 1824, Pierre-Joseph Moricet éprouva le désir de voir ses traits fixés pour la postérité. Il ne s’adressa pas pour cela au premier venu, mais fit appel un peintre en renom, Jacques-Antoine Vallin, élève de Drevet et de Callet. Il se fit représenter en compagnie de sa fille cadette, dans un décor de jardin qui semble nettement fabriqué : il est assis sur une chaise, un livre la main, devant une petite colonnade ; le visage est rond, le nez long et droit, les yeux vifs regardent bien en face ; la chevelure brune, avec une boucle sur le front, se prolonge en deux favoris qui descendent presque jusqu’au menton. Sa fille est debout devant lui, en robe printanière la ceinture haute. De la même époque certainement —bien qu’il ne soit ni signé, ni daté— un second tableau, de mêmes dimensions, nous montre Mme Moricet, en somptueuse toilette, assise dans un fauteuil, tandis que sa fille aînée, Marie-Adèle, vêtue d’une robe plus élégante que celle de sa sœur (n’a-t-elle pas trois ans de plus ?) s’appuie d’une main sur les touches d’un piano.

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Portraits de Pierre-Joseph Moricet avec sa fille Irma (Marie-Florence)
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Portrait de Marie-Catherine Sibire avec sa fille Marie-Adèle

En 1826, le ménage Moricet maria l’une de ses filles, l’ainée comme il se doit, Marie-Adèle ; le contrat fut signé Paris le 16 février[21]Minutier central, étude XXXV, liasse 1083 (Me Hailig, aujourd’hui étude de Me Poisson).. Elle épousait un avoué au tribunal civil de la Seine, Jules Sageret, né le 19 septembre 1797 à Paris, fils d’Augustin et de feue Louise Bourgeois (morte en 1806). Augustin Sageret (1763-1851), membre éminent de la Société royale d’agriculture, était un agronome en renom, qui, comme son ami Parmentier, s’est particulièrement occupé de la pomme de terre ; il essaya même d’acclimater en France la patate d’Amérique. Après avoir beaucoup voyagé, il entra dans la magistrature, sur les instances de son père, mais, sa place ayant été supprimée à la Révolution, il put se livrer à ses goûts, qui le portaient vers les expériences agricoles ou horticoles. Il s’établit pour cela près de Sèvres, à la ferme de Billancourt, puis dans le Gâtinais[22]Cf. Ad. de Jussieu, Notice sur Aug. Sageret, Mémoires publiés par la Société impér. d’agriculture, 1852, Il, pp. 443 et suiv.. Mais, l’époque où nous sommes, il s’était installé Paris, rue de Montreuil, n°141, ayant fait ses enfants —trois filles et un fils— donation de ses biens[23]Inventaire après décès de Jules Sageret, Minutier central, étude XXXV, liasse 1137., et s’occupait presque uniquement de pomologie.

La dot qu’apportait Marie-Adèle témoigne éloquemment de la belle fortune qu’avait amassée son père en une vingtaine d’années. Elle recevait en effet, outre un trousseau prisé 10 000 francs, la somme de 110 000 francs, qui devait lui être remise en cinq versements, échelonnés jusqu’au 15 novembre 1830, et qui portait intérêt à 5 %. L’apport de Jules Sageret consistait en sa charge d’avoué, qu’il venait d’acheter, et qu’il payait 282 000 francs[24]Ibid., du cautionnement de 8 000 francs versé au trésor royal, et d’une somme de 20 000 francs « tant en deniers comptants qu’en la valeur de son mobilier personnel, des bijoux, linge et hardes son usage ». C’était donc en apparence un fort bon parti : mais il déclarait que son avoir était grevé de 230 000 francs de dettes, —et le jour de sa mort, il n’aura pas fini de payer sa charge, qu’il avait pourtant revendue, et sur laquelle il avait touché 120 000 francs. Notons que le contrat lui donne pour adresse 6, rue des Fossés-Montmartre : c’est en effet dans cette maison appartenant son beau-père qu’il installa son étude —et qu’elle resta installée sous son successeur.

Quinze mois plus tard, le 30 mai 1827, Pierre-Joseph Moricet avait la joie d’être grand-père. Et c’est Versailles, au 32, boulevard de la Reine, que naquit une fille, Marie-Blanche ; elle fut déclarée le lendemain par son grand-père et par Eugène-Amédée Battaille, âgé de trente-huit ans, docteur médecin, rue de la Paroisse n°44[25]État civil de Versailles, registre des naissances, 1827.. Détail piquant, l’acte de naissance est signé de Paul Le Cordier de Bigars, marquis de la Londe, maire de Versailles depuis 1816, dont le petit-fils épousera Henriette Passy, petite-fille des Moricet !

Hélas ! trois mois peine s’écoulèrent, et la pauvre Marie-Adèle disparut : elle mourut en effet, dans la maison du boulevard de la Reine, le 20 août, l’âge de vingt et un ans[26]État civil de Versailles, registre des décès, 1827. Les témoins sont le docteur Battaille et Jacques-Philippe Duteil, entrepreneur des pompes funèbres, rue Neuve, n° 5. Dans les années qui suivirent (je n’en ai du moins pas trouvé trace plus tôt), les Moricet commencèrent à faire des séjours dans le Midi. Le recensement de 1831 note que Mme Moricet, sa fille ainsi que sa bonne, et certainement, bien qu’elle ne soit pas mentionnée, sa petite-fille, sont en Italie depuis octobre 1830. En fait, elle se sont installées à Nice, dans le royaume de Sardaigne ; elles y resteront au moins deux ans, comme nous le verrons, tandis que Pierre-Joseph partage sans doute son temps entre cette ville, Paris et Versailles. C’est en son absence que, le 11 août 1832, les deux femmes se présentent au consulat de France pour y signer chacune une procuration devant Joseph Borg, vice-consul et chancelier du consulat.

Un événement familial important se préparait en effet : il avait été décidé que Jules Sageret épouserait en secondes noces sa belle-sœur. Il est fort possible que des questions d’intérêt aient joué leur rôle. Il faut cependant remarquer que le veuf, ainsi que l’atteste son portrait en uniforme de la garde nationale, était bel homme ; et puis Marie-Florence, ou plutôt Irma, puisque tel est le nom sous lequel on la désignait toujours, ne pensait-elle pas qu’il lui serait ainsi plus facile de s’occuper de sa nièce, pour laquelle elle éprouvait une affection toute maternelle, qui ne se démentit jamais[27]Des lettres qu’elle lui écrivit tout à la fin de sa vie, durant les épreuves de 1870-1871, et qui sont en ma possession, ont un accent qui ne trompe pas. Nous verrons d’autre part que, … ...Lire la suite ?

On sait qu’à l’époque —et jusqu’en 1914— il fallait une dispense spéciale pour un mariage entre beau-frère et belle-sœur. Elle fut accordée par lettres patentes du Roi le 4 juin 1832, enregistrées au Tribunal civil de la Seine le 9. Puis, le 3 août, Pierre-Joseph Moricet, par une déclaration faite devant Me Giraud-Mollier, notaire Versailles (successeur de Me Duverger de Villeneuve), autorisa son épouse à constituer pour son mandataire spécial Benjamin Cognac, distillateur à Paris ; quant au mandataire de sa fille, qui n’avait pas besoin d’autorisation, étant majeure, il se nommait Jean-Jacques Cognac, ancien négociant, demeurant aussi Paris[28]On se rappelle que la mère de Pierre-Joseph Moricet était née Cognac. Peut-être ce Jean-Jacques était-il son frère. Benjamin paraît bien être le fils de Jean-Jacques.. Le contrat fut signé Paris le 28 août, en l’absence de la future[29]Minutier central, étude XXXV, liasse 1109. L’autorisation du 3 août et les procurations du 11 sont annexées l’acte. ; les stipulations en furent, en gros, les mêmes qu’au contrat de 1826; toutefois les parents Moricet assuraient cette fois leur fille une rente annuelle et perpétuelle de 5 500 francs à payer de six en six mois, se réservant la faculté de s’en libérer par une somme de 110 000 francs ; et, dans l’apport du futur, la somme représentant les deniers comptants, meubles, etc., avait doublé, et s’élevait 40 000 francs.

Le mariage fut célébré Nice le 22 octobre[30]Archives des Alpes-Maritimes. L’acte de mariage indique la date de délivrance des lettres patentes, et confirme la présence Nice des Moricet « depuis deux ans »., devant le consul, le chevalier Masclet[31]Aimé-Théodore-Joseph, chevalier Masclet (1760-1833), dont Stendhal écrivait son ami Mareste, le 17 décembre 1830 : « J’ai trouvé l’aimable et amabilisssime M. Masclet, … ...Lire la suite. Les témoins étaient Antoine-Louis de Boissière, ancien officier du génie (un lointain cousin, j’ignore du reste de quel côté), et le vicomte Hippolyte Drouet d’Erlon, tous deux « de passage » à Nice ; et deux habitants de la ville, Charles Defly, propriétaire, et Hippolyte Masclet, ancien conseiller de cour de !’Empereur de Russie, peut-être le frére du consul. Il est fort possible que les Moricet aient été dès lors les locataires de ce dernier : c’est en effet chez lui qu’ils se trouvaient dix-huit ans plus tard, au moment de la mort de Pierre-Joseph.

Jules Sageret ayant vendu son étude —nous y reviendrons— les époux s’installèrent dans un immeuble qui lui venait de sa mère, 75, rue des Saints-Pères (aujourd’hui 61), au deuxième étage. Mais ils séjournèrent également à Versailles, boulevard de la Reine, où nous les voyons mentionnés dans les recensements. Ils eurent un fils, Pierre-Ernest, né le 1er janvier 1837. Disons tout de suite que celui-ci, après être passé par l’École polytechnique, épousa en 1859 ou 1860 Marguerite Clapeyron, fille du grand ingénieur et physicien Émile Clapeyron (1799- 1864), qui construisit le chemin de fer de Paris à Versailles, et de Mélanie Bazaine, sœur du maréchal.Pierre Ernest Sageret, capitaine des francs-tireurs de Neuilly-sur-Seine, grièvement blessé le 6 octobre 1870 dans les Vosges, mourut l’hôpital de Vesoul le 12, laissant trois enfants, morts tous trois sans postérité. Les deux garçons, Jules et Émile, furent des écrivains distingués[32]De Jules Sageret (1861-1944), citons Les Grands Convertis : Bourget, Huysmans, Brunetière, Coppée (1906), La Révolution philosophique et la science (1924), Le Hasard et la destinée (1927). … ...Lire la suite, la fille, Alice (1866-1932), habitait Versailles, où elle mourut ; elle avait épousé un officier, Louis de la Ruelle, mort en 1921, étant président du comité de Versailles de la Société de secours aux blessés militaires.

Moins de deux ans après la naissance de son fils, Jules Sageret mourait à son domicile de la rue des Saints-Pères, le 30 octobre 1838. L’inventaire qui fut dressé le 30 novembre[33]Minutier central, étude XXXV, liasse 1137. révèle qu’il avait vendu moyennant 260 000 francs sa charge d’avoué à M. Gustave-Pierre Camproger, et ce peu de, temps après son remariage[34]Me Camproger fut installé en 1833, comme l’indique l’Almanach du Commerce de 1834.. Au moment du décès, Camproger devait encore 153 000 francs —mais le disparu lui-même en devait 72 000 sur le prix qu’il l’avait payée. Sa situation financière semble du reste avoir été assez embarrassée : sa veuve fut en effet amenée à régler « soit avec ses économies, soit avec des deniers qui lui avaient été avancés cet effet, les dettes de la succession de son mari, dettes dont elle ne pouvait être entièrement remboursée cause de l’insuffisance des valeurs de cette succession ». A la suite de quoi ses parents lui consentirent une donation entre vifs hors part de 54 000 francs, et lui versèrent, titre de prêt, une somme de 180 000 francs[35]Liquidation de la succession Moricet.. Voilé des chiffres qui prouvent une fois de plus que, si le gendre n’avait peut-être pas très bien mené ses affaires, il n’en était nullement de même du beau-père ! Ajoutons qu’en 1834 Mme Moricet avait recueilli la succession de son père, qui n’avait qu’une fille en dehors d’elle[36]. Celle-ci, Agnès-Victoire Sibire (1788-1872), épousa successivement Fidèle-Marie Baras (mort en 1811), et François-Louis Dehost (mort en 1826). À des dates que je ne puis préciser, Moricet … ...Lire la suite.

Toute la famille —Pierre-Joseph, alors âgé de soixante-trois ans, Marie-Catherine sa femme, qui en avait cinquante-cinq, Irma, qui n’en avait pas trente, et les deux enfants, Blanche, douze ans, et le petit Ernest— se regroupa alors à Paris ; les Moricet, abandonnant leur domicile de la rue des Fossés-Montmartre, vinrent s’établir rue des Saints-Pères.

De grands changements intervinrent quelques années plus tard. Ce fut d’abord l’acquisition de la villa et de ses dépendances, qui se fit en deux temps. Moricet achète en premier lieu, par adjudication devant le tribunal civil de la Seine, le 27 mai 1846, à Louis-Firmin Delpech, demeurant Paris, 32, rue Notre-Dame-de-Lorette, seul héritier de Louis Delpech son père, mort en 1845, « une grande et belle maison de campagne connue sous le nom de propriété Lanchère », sise « à Versailles avenue de Saint-Cloud, carrefour Montreuil n°2 », pour la somme de 75 613 francs [37]Archives de l’Enregistr., reg. 669, n° 34 285. François Lanchère avait été propriétaire sous la Révolution. Je ne retracerai pas ici, même brièvement, l’histoire de la villa … ...Lire la suite. L’acte d’adjudication la décrit sommairement dans les termes suivants : « Cette propriété a son entrée sur le rond-point du carrefour par une grille de fer et par une porte cavalière et se compose d’une grande cour pavée, d’un principal corps d’étages dans le fond avec bâtiment en aile et de concierge, d’un vaste parc l’anglaise sur un sol montueux formant un large plateau au sommet et renfermant une orangerie, un pavillon rustique, un petit parc fermé de murs et deux bâtiments de jardinier dit la Ferme, une étable, grange et colombier, enfin d’un beau potager, le tout clos de murs et contenant … cinq hectares quatre-vingt-onze ares vingt-cinq centiares non compris un long passage de voiture dépendant de ladite propriété et communiquant de l’extrémité d’icelle l’avenue de Saint-Cloud le long des étangs. »

L’année suivante, Moricet profite d’une occasion qui lui est offerte de s’agrandir. Au n°4 du carrefour de Montreuil s’ouvrait une propriété appartenant un certain Nicolas Prodhomme. Celui-ci l’avait achetée le 6 thermidor an III (24 juillet 1795) à Charles-Sébastien Lecomte, qui en avait acquis lui-même une partie de Jean-Baptiste et Louis Tranchant, et de Pierre Parfond, époux de Marie-Jeanne Tranchant, le 2 décembre 1775, et s’était fait accorder le reste le 20 octobre 1782, lors de la replantation de l’avenue de Picardie, « suivant un certificat signé Dangiviller ». A la mort de Nicolas Prodhomme, en 1842, la propriété fut partagée en trois lots, dont chacun fut attribué à l’un de ses enfants. Et le 3 avril 1847, Moricet achetait, pour 23 000 francs, sa part à M. Julien-François Prodhomme, marchand grainetier, 2, rue de Montreuil, en présence de la femme de celui-ci, Ursule-Félicité Radet, et de sa mère, Marie-Françoise-Radegonde Hubert, usufruitière[38]Minutier central, étude LXVIII, liasse 986 (avec un plan) copie aux Archives de l’Enregistr., registre 682, n°34 796..

La part de Julien Prodhomme représentait la partie ouest de la propriété, et se trouvait mitoyenne avec celle de Moricet sur deux de ses côtés. Elle consistait en « la loge du portier et une buanderie et l’écurie y attenant, un bâtiment à la suite séparé de ceux ci-dessus par une petite partie de la grande cour, des caveaux se prolongeant sous la propriété Lanchère … , un petit bâtiment attenant à ces caveaux, une cour pavée entre les deux derniers bâtiments, un corps de bâtiment où habite actuellement Mme veuve Prodhomme, avec une petite cour pavée et une écurie en suite, une partie de jardin limiter à l’est par un mur … , une grande cour faisant partie de la cour générale », laquelle devra aussi être limitée par un mur. L’acte ne mentionne pas la superficie de cette acquisition, mais un plan annexé la minute permet de calculer qu’elle approchait de neuf ares. La somme stipulée devait être payée trois mois après la notification du décès de Mme Prodhomme, usufruitière, qui en recevrait les intérêts à 5%, et resterait logée dans le bâtiment qu’elle occupait.

Emplacement de la propriété Moricet vers 1847, reportée sur une carte de 1821

Notre homme s’était ainsi constitué une magnifique propriété, auprès de laquelle celle du boulevard de la Reine faisait assurément petite figure. Sans tarder, il avait procédé des aménagements à l’hôtel d’Estrades, où il allait s’installer. Il éleva deux tourelles, fit établir du côté cour une galerie couverte permettant de se rendre d’une aile l’autre sans traverser les salons, et un grand escalier l’aile gauche. En outre, il remplaça par une grille la haute muraille qui jusque-là dérobait aux vues la maison, ainsi que nous l’apprend l’auteur de l’article que je citais en commençant, lequel remarque : « C’est donc en quelque sorte une nouveauté pour ce quartier naguère si triste et si solitaire ». Ces « embellissements », comme les qualifie, non sans ironie, puisque les guillemets sont de lui, Paul Jarry, ont souvent été sévèrement jugés[39]« Avec le mauvais goût de son époque, il agrandit et défigura cette belle maison, qui désormais portera le nom absurde de villa Moricet », écrit par exemple Tremblot de la Croix, p. … ...Lire la suite, et l’on a blâmé le pauvre Moricet de n’avoir pas conservé les bâtiments tels que les avait laissés Forquenot de la Fortelle. Ne devrait-on pas, au contraire, lui savoir gré d’avoir respecté dans son intégrité le décor des magnifiques salons, qui portent encore témoignage des goûts fastueux et raffinés du porte-manteau du roi ? Que seraient-ils devenus sans lui ? Et l’hôtel d’Estrades, dont on ignore dans quel état il se trouvait en 1846, existerait-il encore ?

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Villa Moricet aujourd’hui – Vue 3D Google Maps

A l’époque même où les Moricet s’installaient carrefour de Montreuil, un double mariage transformait leur existence. Tout avait commencé en Italie. En 1843, leur fille Irma, accompagnée de sa nièce Blanche, effectuait un voyage qui la mena jusqu’à Naples. Les deux femmes y rencontrèrent Antoine de Boissière, le témoin du mariage de 1832, qui s’y trouvait avec son fils, et qu’accompagnait son cousin germain, Justin-Félix Passy, conseiller référendaire la Cour des Comptes, veuf depuis seize ans, et le fils de ce dernier, Frédéric. Félix Passy eut l’occasion de rendre un petit service à Irma[40]Il s’agissait, comme le raconte Frédéric Passy dans les Simples Souvenirs d’un nonagénaire qu’il dicta en 1912 pour ses enfants, et dont il fit dactylographier quelques … ...Lire la suite, et, quand tout le monde fut rentré en France, des relations s’établirent[41]Félix Passy habitait alors 34, rue Neuve-des-Mathurins (aujourd’hui 50, boulevard Haussmann), un appartement qu’il partageait avec son frére Hippolyte, quand celui-ci n’était pas … ...Lire la suite. Bientôt, Irma prit l’habitude de consulter Félix Passy lorsqu’elle avait prendre quelque importante décision ; elle apprécia l’extrême obligeance, la droiture de caractère, l’intelligence pratique de celui qui, depuis la mort de son père, survenue en 1834, était devenu l’homme de confiance et le conseil de toute la famille, ainsi que le rapporte son fils[42]Dans une notice rédigée en 1905 à l’intention de son cousin Antoine de Tarlé, aimablement communiquée par M. Roux de Montlebert, neveu de celui-ci.. Un jour, aimait raconter ce dernier, Irma Sageret vint trouver son conseil afin de l’entretenir d’un projet de mariage pour sa nièce. Les renseignements que recueillit alors Félix ne furent pas favorables, et le projet n’eut pas de suites. Mais, après avoir sondé les sentiments de son fils, qui lui déclara sans ambages que la jeune fille était exactement le genre de femme qu’il souhaitait épouser, Félix se rendit rue des Saints-Pères, et fit sa demande, qui fut immédiatement agréée. Pendant plus de cinquante ans —elle disparut le 18 novembre 1900— Blanche, dont son beau-père disait, quelques jours de mourir, qu’elle était la première femme du monde, allait avant être l’incomparable compagne, et le constant soutien —ma conscience et mon ange gardien, écrivait-il lui-même en 1911— d’un homme qui voua toute sa longue existence aux causes les plus généreuses[43]Frédéric Passy, premier Prix Nobel de la Paix en 1901, qui fit de fréquents séjours Versailles, ne mériterait-il pas d’avoir sa rue dans notre ville ?.

Frédéric Passy et Blanche Sageret vers 1860

Le contrat fut signé le 6 février 1847, dans l’appartement de la rue des Saints-Pères, avec une grande solennité : ne relève-t-on pas, la fin de l’acte, quatre-vingt-dix-huit signatures, —cent exactement avec celles des deux notaires, Me Casimir Noël et Me Lefébure de Saint-Marc[44]Minutier central, étude LXVIII, liasse 985. ? Félix Passy constituait en dot son fils une pension annuelle de 4 000 francs, et lui donnait la terre dite du Parc d’Ezy, dans la commune de ce nom (Eure), composée d’une petite maison d’habitation, et de près de cinquante-trois hectares de bois, terres labourables et près d’un seul tenant et bordés par la rivière Eure, ainsi qu’une pièce de terre de deux hectares quarante-quatre ares, située sur la commune d’Anet, et qui n’était séparée du Parc d’Ezy que par la rivière[45]Tout cela venait Félix de son pére, gros propriétaire terrien, qui avait acquis Ezy en 1798, comme bien national (Ezy avait été confisqué la duchesse d’Orléans, veuve de … ...Lire la suite. De son côté, Marie-Blanche, qui avait été émancipée le 15 janvier, apportait une somme de 161 600 francs, reliquat de son compte de tutelle, dont son grand-père devait conserver le capital jusqu’à son décès, en lui versant un intérêt de 5% ; de plus les époux Moricet constituaient à leur petite-fille une dot de 183 400 francs, payable au plus tard au jour du décès du premier d’entre eux, portant également intérêt à 5 %, ce qui lui assurait donc un capital de 300 000 francs. Sa tante Irma, enfin, lui offrait son trousseau, un trousseau de 10 000 francs. On le voit, le jeune ménage était, dès le départ, à l’abri du besoin, d’autant plus que Frédéric, auditeur au Conseil d’État, paraissait avoir une belle carrière devant lui.

Le mariage civil eut lieu le 27 à la mairie du 10ème arrondissement ancien (actuel 6ème), suivi du mariage religieux à Saint-Germain-des-Prés, le 1er mars. Un mois plus tard, les liens se resserraient entre les deux familles, puisque les deux veufs, Félix Passy et Irma Sageret, convolaient à leur tour, Irma devenant ainsi la belle-mère de sa nièce[46]Les Goncourt, qui étaient reçus dans la famille Passy (ils étaient grands amis de Louis, cousin germain de Frédéric), ont écrit dans leur Journal que le premier mariage ne s’était fait … ...Lire la suite.

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Justin-Félix Passy et sa seconde épouse Marie-Florence (Irma) Moricet, veuve Sageret

Justin-Félix Passy était né le 14 avril 1795 à Marolles-en-Brie (Seine-et-Oise)[47]Chose curieuse, il crut toujours qu’il était né le 15 ; en réalité, il fut déclaré ce jour-lé (« sextidi de la 3ème décade germinal an III »), mais comme né la veille … ...Lire la suite, fils de Louis-François (1760-1834) et de Jacquette-Pauline-Hélène d’Aure (1772-1843). Son grand-père paternel, Jean-François Passy, était maître de poste à Étrépagny (Eure), et receveur de la terre et seigneurie du Thil ; la famille d’Aure, originaire de Bigorre, prétendait descendre d’Eudes le Grand, duc d’Aquitaine, qui mourut en 735 ; Jacquette appartenait une branche cadette, les d’Aure de Lourdes. Son frère Hector, comte d’Aure, fut ordonnateur en chef de l’armée d’Égypte à vingt-quatre ans, ministre du roi Murat Naples, intendant général de la Grande Armée en 1815[48]Cf. sur lui le texte dactylographié d’une conférence prononcée devant l’Académie de Versailles le 9 mai 1969, Bibl. munie. de Versailles.. Louis-François Passy fut successivement avocat au parlement de Paris, receveur général des finances Soissons, puis, sous l’Empire, receveur général du département de la Dyle. Il avait amassé une fortune considérable, qui lui permit en particulier d’acquérir en 1823, pour 190 000 francs, le château d’Anet, que lui vendit le duc d’Orléans, futur Louis-Philippe. Mais, depuis 1814, il résidait presque toute l’année à Gisors, où il possédait plusieurs maisons, entre autre l’ancien couvent des Récollets ; lui-même et sa femme y pratiquaient une hospitalité célèbre l’époque dans toute la région.

Le château d’Anet à Gisors, propriété temporaire de Louis François Passy et Pauline d’Aure, parents de Justin-Félix Passy et grands-parents de Frédéric Passy. Gravure au XVIIIème siècle par Rigaud (Source Wikipedia)

Félix était leur troisième fils[49]L’aîné, Antoine Passy (1792-1873), fut préfet de l’Eure, député des Andelys, sous-secrétaire d’État à l’Intérieur dans le ministère Guizot, membre de … ...Lire la suite. A dix-huit ans, Félix Passy fut nommé percepteur des contributions de la commune de Louvain (département de la Dyle) ; pendant les Cent-Jours, il devint secrétaire de son oncle le comte d’Aure, et assista en cette qualité la bataille de Waterloo ; il se trouvait tout près de Napoléon lorsqu’on vit déboucher dans le lointain les Prussiens de Blücher, et il entendit, comme je l’ai raconté ailleurs[50]Conférence sur Hector d’Aure., le dialogue entre l’Empereur, persuadé d’abord que c’était Grouchy, et le maréchal Soult, qui tout de suite avait reconnu la vérité. En 1820, nous le retrouvons courtier en assurances et en vins ; il parcourt la Normandie, pousse jusqu’en Belgique, mais sans enthousiasme. « Jusqu’à présent je ne m’ennuye pas mais je ne puis pas dire cependant que je m’amuse », écrit-il le 19 juin, d’Évreux, à son frère Antoine ; « aussi je suis toujours prêt à aller prendre à Paris ce qui pourrait me convenir ; je préférerais beaucoup une place dans un bureau »[51]Archives de l’Eure, fonds Régnier..

Cette place dans un bureau, il ne l’eut pas, mais son mariage lui permit au moins de s’installer dans la capitale. En effet, le 27 février 1821, en la mairie du quartier des Gobelins, il épousa Marie-Pauline Salleron (1802-1827), fille de Claude-Louis et d’Adélaïde-Catherine-Josèphe Dangin[52]Cette dernière eut l’amusante particularité de se marier trois fois, et toujours avec un Salleron : deux frères d’abord, Jacques et Charles-Joseph, puis leur cousin Claude-Louis.. Les Salleron, originaires de Vitry-le-François, exploitaient dans le faubourg Saint-Marceau d’importantes tanneries[53]Cf. H. de la Perriére, Une famille champenoise, les Salleron, Paris, 1945 (qui prénomme à tort Charles-Joseph le père de Pauline)., auxquelles Claude-Louis avait adjoint une huilerie ; Félix devint l’associé de son beau-pére, et le jeune ménage s’installa dans la maison familiale, 3, rue des Gobelins.

Ils eurent successivement un fils, Frédéric (1822-1912), et une fille, Agathe (1824-1843), qui épousa François Potiquet, et mourut peu après son mariage, sans enfants. Plus tard, Frédéric Passy se plaisait évoquer ses souvenirs d’enfance, « les ouvriers dans les ateliers, le moulin écraser les écorces, les fosses où l’on mettait le cuir sous des couches de tannée … , les bords de la Bièvre, dans le fond, où les ouvriers allaient gratter, sur des bois disposés à cet effet, les peaux dont ils enlevaient le poil et qu’ils préparaient pour le tannage : opération peu séduisante, et qui cependant m’intéressait ».[54]Simples Souvenirs d’un nonagénaire.

Tanneries de la Bièvre vue de la rue Cochin vers 1860

Cependant une crise survint dans la tannerie, qu’aggrava la Révolution de Juillet ; Félix fut contraint d’abandonner l’affaire, y laissant une partie de sa fortune. Veuf, et veuf inconsolable d’une femme exquise morte à vingt-cinq ans, sans situation, il allait se retirer Gisors, quand il fut élu chef de bataillon dans la garde nationale de son quartier, et nommé, en 1832, grâce son frère Hippolyte, conseiller référendaire la Cour des Comptes. Il resta donc à Paris, et c’est grâce à ce concours de circonstances qu’il contracta son second mariage.

Le contrat fut signé le 25 mars 1847, dans la plus stricte intimité : ne furent présents, outre les époux Moricet, que le jeune ménage Frédéric Passy, les deux frères aînés du futur, Antoine et Hippolyte, et la fille de ce dernier. Félix apportait à la communauté, en dehors d’un capital mobilier d’environ 80 000 francs, des biens au soleil estimés 130 000 francs : trois maisons et un moulin à Gisors, des pièces de terre et des prés, à Gisors également, et à Trie-Château (Oise), le tout représentant un peu plus de onze hectares, et lui venant presque exclusivement de ses parents. Quant à Irma, son apport s’élevait 350 000 francs environ, dont une somme de 317 244 francs qui lui est due au principal par la succession de M. Sageret son défunt mari …, et qui se composait de sa dot et des dettes qu’elle avait payées depuis le décès ; elle se trouve garantie par les valeurs de ladite succession, notamment par une maison qui en, dépend, située Paris, rue des Saints-Pères n°75[55]Minutier central, étude LXVIII, liasse 986..

Le mariage civil fut célébré le 31 mars, à la mairie de la place Saint-Sulpice, et le mariage religieux le 5 avril, à Saint-Germain-des-Prés. Désormais Félix Passy (nommé cette année-là conseiller-maître) et sa femme habitent Paris l’hiver, mais dès la belle saison ils s’installent à Versailles ; la tradition familiale assure que Félix accomplissait chaque jour le trajet du carrefour de Montreuil à la Cour des Comptes, aller et retour.

L’année 1847 marque donc le début d’une ère nouvelle pour les propriétaires de la villa Moricet ; pour les Passy, père et fils, également, dont la vie ne semble pas avoir été bien gaie jusque-là. Une lettre de Paulin Passy, frère cadet de Félix, non datée, mais qui doit avoir été écrite en 1845, ne dit-elle pas que tous deux sont toujours « aussi peu communicatifs, ce qui veut dire aussi tristes »[56]Archives de l’Eure, fonds Régnier. Sauf indication contraire, les lettres que je vais citer proviennent toutes de la même source.? Le 31 août de cette année 1845, Félix envoyait à sa belle-sœur, la femme d’Antoine, un billet pour lui annoncer son arrivée à Gisor; avec son fils, qui venait de passer sa thèse de licence eu droit. « Je vous prie instamment, disait-il, de lui donner une chambre loin du bruit, le plus loin possible. Il a le sommeil tellement léger que la moindre chose l’empêche de dormir … Il est, d’ailleurs très fatigué ; il a besoin d’air, de repos ». Tout cela va changer. Au début de 1848, Louis Passy, fils d’Antoine, pourra écrire de son cousin germain : « Quant à Frédéric, il est enchanté parce qu’il est fort comme un taureau, et que ses biceps ont grossi ! » Il avait du reste une autre raison de se réjouir : le dimanche 21 mai, en présence de Félix Passy et de Pierre-Charles Véron, chef de bureau à la mairie de Versailles, était déclarée, devant l’adjoint Lambinet, la naissance, survenue la veille, de Marie-Pauline, sa fille[57]Marie-Pauline, ma grand-mère maternelle, fut baptisée à Saint-Symphorien le 15 août, ayant pour parrain son grand-père paternel, pour marraine son arrière-grand-mère Moricet. Elle épousa en … ...Lire la suite.

Un peu plus de deux mois s’écoulèrent, et Félix, à son tour, était père d’une fille, qui se trouvait donc être à la fois la demi-sœur de Frédéric et sa cousine germaine par alliance ! Marie-Henriette Passy naquit en effet le 6 août, et fut déclarée à la mairie de Versailles le lendemain par son père et son demi-frère[58]Marie-Henriette, baptisée à Saint-Symphorien le 15 août, le même jour que sa nièce (parrain, P.-J. Moricet, marraine Mme Antoine Passy), épousa en 1868 Jacques Le Cordier de Bigars, marquis de … ...Lire la suite. Dans les années qui suivirent, trois enfants naquirent encore carrefour de Montreuil au foyer de Frédéric Passy et Blanche Sageret : Marie-Adèle-Philiberte, le 15 mai 1849, dont le père Moricet put encore aller déclarer la naissance[59]Marie-Adéle, dite Adeline, épousa en 1875 le pasteur Alfred Gary (1845-1891) ; elle mourut à Neuilly-sur-Seine le 22 janvier 1936., Jules-Paulin, le 7 mai 1850, l’un des témoins étant Lesourd, jardinier au carrefour de Montreuil, « en l’absence de Mr Moricet »[60]Jules-Paulin mourut à Versailles à deux ans, le 17 septembre 1852.  ; Marie-Catherine enfin, le 24 août 1852, après la mort de son arrière-grand-père[61]Elle aussi mourut jeune, d’une fièvre typhoïde, le 19 mars 1856, à Ézy, où son père s’était installé pour raisons de santé : on le croyait alors tuberculeux.. Quant à Félix et Irma, ils eurent une seconde fille, Marie-Héléne, mais elle naquit à Paris, rue des Saints-Pères, le 28 décembre 1852[62]Marie-Héléne épousa en 1871 Auguste-Humbert-Louis-Berlion, vicomte, puis comte de La Tour du Pin Chambly de la Charce (1835-1907), officier de marine, et mourut à Versailles, 26, rue … ...Lire la suite.

En mai 1850, au moment de la naissance du petit Jules-Paulin, la santé de Pierre-Joseph Moricet donnait bien des inquiétudes. Une lettre de Paulin Passy nous offre un tableau fort sombre. « Le baptême s’est bien passé, tout le monde paraissait content, mais qu’il y a de tristes figures dans cette maison-là, ils n’ont tous que la peau et les os ! Le Père Moricet n’a pas pu assister à la cérémonie, on l’a laissé sur un banc du jardin se tordant et faisant des grimaces[63]Ceci explique qu’il se soit fait représenter à la mairie, le 8, par son jardinier.. Mme Moricet n’y était pas non plus, elle ne se lève pas encore… Je vous disais que tout le monde à la villa était maigre à faire peur, mais la personne qui me paraît dans le plus mauvais état, c’est Irma, elle est pâle, les joues creuses, la poitrine rentrée et le dos voûté… Mme Moricet se remettra probablement et je commence à croire que M. Moricet partira avant elle ! Blanche, Frédéric et Félix ressemblent assez à trois asperges montées qui se promènent … ».

C’est à cette époque que Mme Moricet, qui venait certainement d’être très sérieusement malade, « fait, écrit et date de sa main » son testament, le 30 mai[64]Déposé aux minutes de Me Mocquard, le 7 janvier 1858, Minutier central, étude LXVIII, liasse 1098.. Elle y déclare léguer à sa fille « par préciput et hors part la moitié lui appartenant de la propriété de Versailles, y compris le mobilier, les services de table en porcelaine et cristaux, et le linge ». « Ayant le plus grand désir, ajoute-t-elle, que ma bien-aimée fille devienne seule propriétaire de la ditte campagne et de tout son mobilier meublant, j’exprime ici le vœu le plus vif que mon mari fasse en faveur de notre fille le même legs … de l’autre moitié lui appartenant ». Ses bijoux seront partagés entre sa fille et sa petite-fille Blanche, à l’exception de « tous mes diamants, renfermés dans ma boête, portant mon nom », qui iront à la première, et de « deux portraits enrichis de diamants » qui iront la seconde. Après des legs en faveur de domestiques, dont sa femme de chambre Mélanie Viennot, qui reçoit 1 500 francs, elle laisse au couvent du Refuge de Montreuil 500 francs, à la paroisse de Montreuil la même somme, et autant pour les pauvres visités par M. l’abbé Massin.

Le 1er juillet, les nouvelles sont meilleures, et Paulin Passy annonce que « les vieux se remettent tout doucement et la jeune Irma va bien ». Aussi les Moricet émigrent-ils vers le Midi ; ils s’installent dans un faubourg de Nice, au quartier de la Croix-de-Marbre, dans la maison Masclet[65]Le propriétaire, Hippolyte Masclet, avait été témoin du mariage d’Irma avec Jules Sageret en 1837, on s’en souvient. Mais bientôt Pierre-Joseph est contraint de s’aliter. Le 3 octobre, il dicte son testament, incapable qu’il est de l’écrire de sa main : comme le souhaitait sa femme, il laisse sa fille Irma la moitié de sa maison de Versailles. Le chancelier du consulat, Joseph Borg ­celui qui avait reçu en 1832 les procurations de Mme Moricet et d’lrma— allait venir chercher le testament, après avoir cacheté l’enveloppe qui le contenait : il n’en eut pas le temps. Les Archives des Alpes-Maritimes conservent seulement le brouillon de la déclaration qu’il devait signer, dans lequel la date est laissée en blanc, et un questionnaire où l’on a écrit, au sujet de ce testament : « Il n’en présentera pas, puisqu’il est mort ce matin ». C’est le 6 octobre, 10 heures, qu’entouré de sa femme, de sa fille et son gendre, et de son petit-fils Ernest Sageret, que s’éteignit, dans sa soixante-seizième année, Pierre-Joseph Moricet. Le jour même, le décès fut enregistré la paroisse de San Pier’ d’Arena [66]Il le fut le lendemain au Consulat., où fut célébré un service funèbre le 14 à 9 heures du matin. Après quoi le corps prit la route de Paris, où il fut inhumé au Père-Lachaise, dans un caveau acheté en 1821.

Au soir de ce jour, Paulin Passy, qui se trouvait alors Nice avec un de ses neveux, écrivit à Gisors : « Nous avons assisté ce matin … à une triste cérémonie : le service de M. Moricet, la séparation de Félix et de sa femme, et enfin le départ de Félix et de son beau-fils avec le corps de M. Moricet. Je prévois maintenant que ce pauvre Félix sera obligé cet hiver de venir chercher le corps de sa femme, car elle est déjà bien mal et il n’y a pas d’espoir de guérison ». Heureusement, il était mauvais prophète, et Irma survécut vingt et un ans à son père.

Le 18 août 1851, Me Casimir Noël procéda à l’inventaire après décès ; par malheur l’acte ne se trouve plus dans les minutes déposées aux Archives Nationales. Nous en sommes réduits, pour évaluer ce que pouvait être la fortune des Moricet, aux chiffres fournis par la liquidation qui intervint le 10 avril 1858, après la mort de Marie-Catherine Sibire[67]Minutier central, étude LXVIII, liasse 1101.. En 1851, les objets mobiliers et l’argenterie Paris étaient évalués à 31 824 francs, le mobilier de Versailles à 8 412 francs. Nous savons par ailleurs que la villa était alors comptée pour 60 000 francs, ce qui ne paraît pas énorme[68]Archives de Seine-et-Oise, Bureau de Versailles, Successions. En 1858,. elle sera comptée pour 80 000 Fr.. En 1858, le bilan révèle un actif de 642 184 francs, sans compter les deux immeubles de Paris, restés dans l’indivision[69]Dans l’actif de la succession figurent 10 actions au porteur, au capital nominal de cent fr. chaque, de la Société des Courses de Versailles, dont les intérêts et dividendes se payent chez … ...Lire la suite ; mais il faut ajouter qu’en 1853 Mme Moricet avait acheté pour son petit-fils Ernest, moyennant 120 000 francs, une ferme dans l’arrondissement, d’Orléans, dont elle se réservait l’usufruit. Nous pouvons donc affirmer, sans crainte d’erreur, que les Moricet étaient la tête d’un capital qui dépassait largement le million.

Qu’on mette maintenant, en regard de ces chiffres, ceux que nous apportait leur contrat de mariage de 1805. Il est vrai que Marie-Catherine Sibire avait recueilli les successions de son père en 1834, de sa mère dix ans plus tard ; j’ignore ce que cela pouvait représenter, mais nous avons rencontré suffisamment de preuves d’un sérieux enrichissement antérieur ces dates. Quant à Moricet, s’il avait perdu sa mère avant 1820, « il n’a rien voulu réclamer de cette succession ». Cette ascension qui transforma le fils d’un modeste boulanger en un opulent bourgeois —il eut même l’honneur, dans les derniers mois du règne de Louis-Philippe, d’être présenté au Château, accompagné de son épouse[70]On conserve un amusant dessiri de Paulin Passy, les représentant en costumes de cour.—, dont les filles épousèrent un avoué, un conseiller la Cour des Comptes, frère d’un ministre et pair de France, dont les petites-filles portèrent les titres de marquise et de comtesse, n’est-elle pas, en quelque sorte, exemplaire, et bien caractéristique de l’époque ? Ne valait-il pas la peine de le suivre dans le cours de son existence, autant que faire se peut, d’évoquer un peu longuement sa famille, sur laquelle il a veillé jusqu’é sa mort avec une affectueuse sollicitude ? Il est possible que, comme d’autres, il se soit enrichi un peu trop rapidement dans les fournitures militaires. Mais, en fin de compte, sa physionomie, telle qu’elle nous apparaît, révèle surtout des qualités appréciables : excellent époux, généreux envers ses filles et ses petits-enfants, secourable l’égard de parents qui n’avaient pas eu sa chance, ou son habileté, accueillant tous, tel fut le « père Moricet », chez lequel on a l’impression que l’égoïsme n’a guère existé.

Sa femme lui survécut un peu plus de sept ans : elle mourut Paris le 4 janvier 1858. La « villa » de Versailles revint à sa fille Irma. Je ne m’étendrai pas ici sur ce que devint alors la propriété. Je me contenterai d’indiquer que, par testament, elle la laissa à sa fille aînée, Mme de la Londe[71]Irma mourut Versailles le 6 décembre 1871 ; cinq mois plus tard, le 6 avril 1872, Félix Passy la suivait. Tous deux sont enterrés au cimetière de Montreuil.. Le ménage de la Londe ne put la conserver longtemps telle que l’avait constituée Moricet : en 1887, ils en lotirent la plus grande partie, et le 22 juillet 1895, ils vendirent l’hôtel lui-même, avec les cinquante ares restant, à M. Maurice Boucher, pour se retirer dans un modeste appartement, 41, rue Saint-Honoré, où ils achevèrent tous deux leur existence.

Jean LAGNY.

References

References
1 Paul Jarry, La Guirlande de Paris, ou Maisons de plaisance des environs, au XVIIe et au XVIIIe siécles, 2e série, Paris, 1931.
2 Je remercie vivement tous ceux l’obligeance desquels j’ai eu recours pour mettre au point cette étude, et particuliérement Me Drouant, Me Mahot de la Querantonnais et Me Poisson, notaires à Paris, Me Bekelynck, notaire à Versailles, MM. les Directeurs des Archives des Alpes-Maritimes, de l’Eure et de la Vienne. Ma dette est grande envers M. Jacques Levron, et M. Marcel Delafosse, son successeur la direction des Archives de Seine-et-Oise, pour la cordialité de leur accueil, et les facilités de travail qu’ils m’ont accordées. M. Pierre Lions n’a cessé de m’apporter son amical concours : je peux seul mesurer tout ce que je lui dois. M. le Professeur et Mme Moulonguet, propriétaires actuels de la Villa Moricet, m’y ont reçu avec la plus parfaite bonne grâce : je leur en exprime ici ma respectueuse gratitude.
3 Je trouve ce dernier renseignement dans l’ouvrage suivant : La Bannière, Soixante-quatre quartiers, Paris, 1951. L’auteur en est Jean Tremblot de la Croix, ancien conservateur en chef de la Bibliothèque de l’Institut, mort récemment, qui avait épousé une descendante directe de Moricet, Antoinette Le Cordier de Bigars de la Londe.
4 Archives Nationales, Minutier central des Notaires de la Seine, étude CVII, liasse 682 (Me Guenoux, actuellement étude de Me Drouant).
5 Aurait-il par hasard, avant de venir Paris, habité Auxerre ? Le premier de ses témoins est Jean-François Maignan, notaire en cette ville, « ami ».
6 Cf. (P.-E. Deverin), Généalogie Sibire, Bull. de la Soc. héraldique de France, I, 1879, pp. 283 et suiv.
7 Cf. J. Vinot-Préfontaine, Un curé de Paris sous la Révolution, Rev. des Etudes histor., XCVIII, 1932, pp.127-164.
8 Contrat du 17 germinal an X (7 avril 1802), Minutier central, étude CVII, liasse 674.
9 Notons cependant que, selon Tremblot de la Croix, op. cit., p. 57, Moricet aurait été commandité par le banquier Louis Doulcet d’Egligny, cousin par alliance d’André Sibire.
10 Je n’ai pas vu l’Almanach de 1814 ; comme celui de 1812, il manque la collection de la Bibliothèque histor. de la ville de Paris.
11 Almanach des adresses de tous les commerçants de Paris, 1820.
12 C’est ce qu’assure J. Tremblot de la Croix, loc. cit. : « Financier à son tour, il réussit dans toutes ses entreprises ». On ne peut malheureusement accepter sans contrôle toutes les assertions de cet auteur.
13 Cf. Liquidation de la succession Moricet, 10 avril 1858, Minutier central, étude LXVIII, liasse 1101 (Me Mocquard, actuellement étude de Me Mahot de la Querantonnais). Ces deux immeubles ont été démolis, et remplacés par de nouvelles constructions.
14 Tremblot de la Croix, loc. cit., qui indique la date de 1824, manifestement erronée.
15 Copie de l’acte de vente aux Archives de !’Enregistrement et des Domaines Versailles, registre 322, n° 20165. La maison était bâtie sur un terrain concédé par brevet du roi en 1769 au sieur Frioux.
16 Un plan des rues de Versailles, dressé en 1843, conservé aux Archives départementales, m’a permis de la localiser de façon à peu près assurée. Grâce l’amabilité de Mme Kont, actuelle propriétaire du 90 bis, qui m’a communiqué son acte d’achat, il m’a été possible de remonter toute la série des propriétaires successifs, et d’arriver ainsi une certitude.
17 Les recensements écrivent son nom tantôt Moricet, tantôt Moriset, Morisset ou Maurisset. Quant à celui de sa femme, il est presque régulièrement estropié.
18 Archives de l’Enregistr., reg. 366, n° 22 527. Le jardin tenait à l’est à la propriété d’un certain Noutier ; celui-ci vendit en 1830 un nommé Haering (ou Ohring), qui en resta longtemps propriétaire.
19 Etude de Me Duverger de Villeneuve, Versailles (auj. étude de Me Bekelynck). Quittance lui fut donnée par Adolphe-Louis-Joseph Tourtebatte, marchand charcutier, 66, rue de la Paroisse ; celui-ci avait acquis les droits de Mme Anne Guyot, veuve de Louis Besozzi, artiste musicien, laquelle avait vendu en 1826 à Perrier, et ne devait être payée qu’à partir de 1829. Ce Tourtebatte paraît, en marge de son commerce, s’être consacré de nombreuses « affaires » de ce genre.
20 Archives de l’Enregistr., reg. 706, n°35 519. Le recensement de 1848 précise que la maison est vacante en totalité, « partie en réparations, partie en démolition ». Coëffier vendit en 1857 à Hector-Anna Giaccomelli, artiste dessinateur, et Joséphine-Adeline Popelin, son épouse. Des bâtiments qu’avait achetés ou fait élever Moricet, il semble ne rester aujourd’hui qu’une partie de l’ancien 34, devenu 90 bis ; l’ancien 32 a été démoli en 1966.
21 Minutier central, étude XXXV, liasse 1083 (Me Hailig, aujourd’hui étude de Me Poisson).
22 Cf. Ad. de Jussieu, Notice sur Aug. Sageret, Mémoires publiés par la Société impér. d’agriculture, 1852, Il, pp. 443 et suiv.
23 Inventaire après décès de Jules Sageret, Minutier central, étude XXXV, liasse 1137.
24 Ibid.
25 État civil de Versailles, registre des naissances, 1827.
26 État civil de Versailles, registre des décès, 1827. Les témoins sont le docteur Battaille et Jacques-Philippe Duteil, entrepreneur des pompes funèbres, rue Neuve, n° 5
27 Des lettres qu’elle lui écrivit tout à la fin de sa vie, durant les épreuves de 1870-1871, et qui sont en ma possession, ont un accent qui ne trompe pas. Nous verrons d’autre part que, lors du mariage de sa nièce, Irma tint lui offrir personnellement son trousseau.
28 On se rappelle que la mère de Pierre-Joseph Moricet était née Cognac. Peut-être ce Jean-Jacques était-il son frère. Benjamin paraît bien être le fils de Jean-Jacques.
29 Minutier central, étude XXXV, liasse 1109. L’autorisation du 3 août et les procurations du 11 sont annexées l’acte.
30 Archives des Alpes-Maritimes. L’acte de mariage indique la date de délivrance des lettres patentes, et confirme la présence Nice des Moricet « depuis deux ans ».
31 Aimé-Théodore-Joseph, chevalier Masclet (1760-1833), dont Stendhal écrivait son ami Mareste, le 17 décembre 1830 : « J’ai trouvé l’aimable et amabilisssime M. Masclet, consul de Nice, au milieu d’un jardin rempli de rosiers en fleurs, le 15 novembre » ( Correspondance, éd. Pléiade, Il 216).
32 De Jules Sageret (1861-1944), citons Les Grands Convertis : Bourget, Huysmans, Brunetière, Coppée (1906), La Révolution philosophique et la science (1924), Le Hasard et la destinée (1927). Emile Sageret (1864-1935) a laissé de nombreux ouvrages et articles sur l’histoire du Morbihan ; il s’était fixé à Carnac, où il mourut. Pierre Ernest lui-même avait publié en 1869 Du Progrés maritime, étude économique et commerciale ; après sa mort parut de lui un roman historique, Olivier d’Anet, épisode du temps de Jeanne d’Arc (1896).
33 Minutier central, étude XXXV, liasse 1137.
34 Me Camproger fut installé en 1833, comme l’indique l’Almanach du Commerce de 1834.
35 Liquidation de la succession Moricet.
36 . Celle-ci, Agnès-Victoire Sibire (1788-1872), épousa successivement Fidèle-Marie Baras (mort en 1811), et François-Louis Dehost (mort en 1826). À des dates que je ne puis préciser, Moricet constitua une dot de 10 000 Fr. à Marie-Eugénie, fille du second mariage, et une dot de 14 000 Fr. à Eugénie-Antoinette Cognac, sa cousine, qui épousait François Baras, fils du premier. Si l’on ajoute qu’il prêta 14 000 Fr. la veuve de son cousin Benjamin Cognac, et n’en réclama jamais le remboursement, on conviendra qu’il n’hésitait pas venir en aide des parents moins fortunés que lui.
37 Archives de l’Enregistr., reg. 669, n° 34 285. François Lanchère avait été propriétaire sous la Révolution. Je ne retracerai pas ici, même brièvement, l’histoire de la villa avant 1846 ; il faut espérer qu’elle sera faite un jour en détails, ce qui n’est pas encore le cas.
38 Minutier central, étude LXVIII, liasse 986 (avec un plan) copie aux Archives de l’Enregistr., registre 682, n°34 796.
39 « Avec le mauvais goût de son époque, il agrandit et défigura cette belle maison, qui désormais portera le nom absurde de villa Moricet », écrit par exemple Tremblot de la Croix, p. 58.
40 Il s’agissait, comme le raconte Frédéric Passy dans les Simples Souvenirs d’un nonagénaire qu’il dicta en 1912 pour ses enfants, et dont il fit dactylographier quelques exemplaires, de rapporter en France deux statuettes d’albâtre achetées Rome.
41 Félix Passy habitait alors 34, rue Neuve-des-Mathurins (aujourd’hui 50, boulevard Haussmann), un appartement qu’il partageait avec son frére Hippolyte, quand celui-ci n’était pas ministre.
42 Dans une notice rédigée en 1905 à l’intention de son cousin Antoine de Tarlé, aimablement communiquée par M. Roux de Montlebert, neveu de celui-ci.
43 Frédéric Passy, premier Prix Nobel de la Paix en 1901, qui fit de fréquents séjours Versailles, ne mériterait-il pas d’avoir sa rue dans notre ville ?
44 Minutier central, étude LXVIII, liasse 985.
45 Tout cela venait Félix de son pére, gros propriétaire terrien, qui avait acquis Ezy en 1798, comme bien national (Ezy avait été confisqué la duchesse d’Orléans, veuve de Philippe-Egalité), et la pièce de terre en 1823.
46 Les Goncourt, qui étaient reçus dans la famille Passy (ils étaient grands amis de Louis, cousin germain de Frédéric), ont écrit dans leur Journal que le premier mariage ne s’était fait que pour permettre le second ; c’est une absurdité. Tout ce qu’ils disent des Passy, dont ils ont bien mal reconnu l’hospitalité, est du reste sujet caution, parfois tout à fait erroné.
47 Chose curieuse, il crut toujours qu’il était né le 15 ; en réalité, il fut déclaré ce jour-lé (« sextidi de la 3ème décade germinal an III »), mais comme né la veille (État civil de Marolles, Archives départ. de Seine-et-Oise). Le château de Marolles appartenait au beau-frère de sa mère, Benoit-Joseph de Tarlé.
48 Cf. sur lui le texte dactylographié d’une conférence prononcée devant l’Académie de Versailles le 9 mai 1969, Bibl. munie. de Versailles.
49 L’aîné, Antoine Passy (1792-1873), fut préfet de l’Eure, député des Andelys, sous-secrétaire d’État à l’Intérieur dans le ministère Guizot, membre de l’Académie des Sciences en 1857. Le second, Hippolyte Passy (1793-1880), membre de l’Académie des Sciences morales, pair de France, fut plusieurs fois ministre des Finances.
50 Conférence sur Hector d’Aure.
51 Archives de l’Eure, fonds Régnier.
52 Cette dernière eut l’amusante particularité de se marier trois fois, et toujours avec un Salleron : deux frères d’abord, Jacques et Charles-Joseph, puis leur cousin Claude-Louis.
53 Cf. H. de la Perriére, Une famille champenoise, les Salleron, Paris, 1945 (qui prénomme à tort Charles-Joseph le père de Pauline).
54 Simples Souvenirs d’un nonagénaire.
55 Minutier central, étude LXVIII, liasse 986.
56 Archives de l’Eure, fonds Régnier. Sauf indication contraire, les lettres que je vais citer proviennent toutes de la même source.
57 Marie-Pauline, ma grand-mère maternelle, fut baptisée à Saint-Symphorien le 15 août, ayant pour parrain son grand-père paternel, pour marraine son arrière-grand-mère Moricet. Elle épousa en 1869 Paul Deltour (1847-1910) et mourut à Neuilly-sur-Seine le 31 août 1928.
58 Marie-Henriette, baptisée à Saint-Symphorien le 15 août, le même jour que sa nièce (parrain, P.-J. Moricet, marraine Mme Antoine Passy), épousa en 1868 Jacques Le Cordier de Bigars, marquis de la Londe (1835-1909), petit-fils de l’ancien maire de Versailles, qui prit alors à la Cour des Comptes la place de son beau-père. Elle mourut à Versailles, 41, rue Saint-Honoré, le 17 novembre 1933.
59 Marie-Adéle, dite Adeline, épousa en 1875 le pasteur Alfred Gary (1845-1891) ; elle mourut à Neuilly-sur-Seine le 22 janvier 1936.
60 Jules-Paulin mourut à Versailles à deux ans, le 17 septembre 1852.
61 Elle aussi mourut jeune, d’une fièvre typhoïde, le 19 mars 1856, à Ézy, où son père s’était installé pour raisons de santé : on le croyait alors tuberculeux.
62 Marie-Héléne épousa en 1871 Auguste-Humbert-Louis-Berlion, vicomte, puis comte de La Tour du Pin Chambly de la Charce (1835-1907), officier de marine, et mourut à Versailles, 26, rue Borgnis-Desbordes, le 26 janvier 1923.
63 Ceci explique qu’il se soit fait représenter à la mairie, le 8, par son jardinier.
64 Déposé aux minutes de Me Mocquard, le 7 janvier 1858, Minutier central, étude LXVIII, liasse 1098.
65 Le propriétaire, Hippolyte Masclet, avait été témoin du mariage d’Irma avec Jules Sageret en 1837, on s’en souvient
66 Il le fut le lendemain au Consulat.
67 Minutier central, étude LXVIII, liasse 1101.
68 Archives de Seine-et-Oise, Bureau de Versailles, Successions. En 1858,. elle sera comptée pour 80 000 Fr.
69 Dans l’actif de la succession figurent 10 actions au porteur, au capital nominal de cent fr. chaque, de la Société des Courses de Versailles, dont les intérêts et dividendes se payent chez MM. Jessé, banquiers, rue Hoche, n°14, données pour une valeur de 500 Fr.
70 On conserve un amusant dessiri de Paulin Passy, les représentant en costumes de cour.
71 Irma mourut Versailles le 6 décembre 1871 ; cinq mois plus tard, le 6 avril 1872, Félix Passy la suivait. Tous deux sont enterrés au cimetière de Montreuil.

1 commentaire pour “Pierre-Joseph Moricet (1775-1850) et sa villa du carrefour de Montreuil”

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