
Il y a quelque temps, je m’étais lancé dans l’évaluation de l’impact carbone de mes voyages aériens professionnels. Pour compléter ce travail, je me suis intéressé à reconstituer les données correspondant à d’autres postes d’émission de CO2 : la consommation d’énergie de notre foyer (hors transports). La période visée s’étend sur 40 ans de notre vie familiale de 1983 à 2024.
J’en ai profité pour faire un test approfondi de ChatGP5 (version 5.0) : ce billet a donc pour but de partager un petit retour d’expérience sur mes interactions avec cet outil et, bien sûr de partager les résultats obtenus.
Nous avons occupé 6 logements différents entre 1983 et aujourd’hui :
- 1983-1984 (1 an) : un petit T2 en sous-sol, rue de Châteaulin à Nantes
- 1984-1985 (6 mois) : un T3.5 biscornu en sous-sol, rue de la Sorbonne à Paris
- 1985-1990 (5 ans) : un T3 au 2ème étage d’un immeuble assez vétuste, impasse Reille à Paris. Le chauffage était assuré par un petit poêle à gaz unique au centre de l’appartement
- 1990-2004 (14 ans) : un T5 occupant le 1er étage et les combles, rue Louise Bruneau, Palaiseau. Le chauffage et l’eau chaude sanitaire sont 100% électrique.
- 2004-2024 (20 ans) : un T8 occupant 3 étages, rue Louise Bruneau. Le chauffage et l’eau chaude sanitaire sont 100% électrique
- 2024-2025 : déménagement de notre résidence principal à Plouharnel, qui était depuis 2014 une résidence secondaire. L’eau chaude sanitaire est 100% électrique ; le chauffage est à gaz n’est pas intégré dans ces chiffres.
Combien de MWh ?
La première étape de mon travail, et pas la moindre, a été de reconstituer le fichier de la consommation électrique de notre foyer. Miracle…, nous avons gardé des notes manuscrites avec les totaux annuels pour la période 1984-2019 et, bien entendu, les factures détaillées des 5 dernières années. La seule petite approximation porte sur la période 1983-1989, pendant laquelle nous avions un abonnement EDG-GDF que j’ai converti en kWh électriques.

Sur 40 ans, notre consommation s’est élevée au total à 810 MWh. En tenant compte de la variation du nombre d’habitants du foyer (arrivées puis départs de nos enfants), la consommation moyenne par an et par habitant a été de 6300 kWh/an/habitant. Ce ratio a été en croissance assez régulière de 5,0% par an, reflétant la croissance de la surface habitée, la croissance du nombre d’équipements électriques qui ont peu à peu rejoint notre foyer, puis l’arrivée d’une résidence secondaire.

Comment était produite cette électricité?
Pour passer de cette consommation à une émission de CO2, il fallait retrouver le mix énergétique de production d’électricité en France depuis 40 ans. C’est là que débute mon aventure avec ChatGPT, à qui je demande dans un premier temps
PROMPT UTILISATEUR :
Je cherche à réaliser un tableau avec l'évolution historique annuelle du mix de production d'électricité en France depuis 1980 et une évaluation de la quantité de CO2 émis par kWh produit. Il me faut les sources utilisées, le raisonnement, et le tableau Excel final avec, chaque année, les %ages de chaque énergie et le CO2 par source, puis le total CO2/kWh
Sa réponse détaillée emploie la méthode de travail suivante :

La source de données que ChatGPT me propose est excellente. Il s’agit de Our World in Data (OWID), Share of electricity production by source qui consolide les séries d’Ember et de l’Energy Institute et couvre la France année par année entre 1985 et 2024). Cette série décompose les sources d’énergie primaire en : Coal, Oil, Gas, Nuclear, Hydro, Wind onshore, Wind offshore, Solar PV, Bioenergy, Geothermal, Other renewables.

Pour déterminer les Facteurs d’émission (gCO2e/kWh) par filière, ChatGPT utilise les valeurs médianes du rapport IPCC AR5 de 2014, largement reprises dans la littérature. Ces valeurs représentent des émissions de cycle de vie (construction, combustible, exploitation, démantèlement). Elles sont comparables entre filières et adaptées à un calcul d’intensité moyenne.
Source d’énergie | Facteur d’émission (gCO₂e/kWh) |
Charbon | 820 |
Pétrole | 650 |
Gaz | 490 |
Nucléaire | 12 |
Hydroélectricité | 24 |
Éolien terrestre | 11 |
Éolien en mer | 12 |
Solaire photovoltaïque | 48 |
Bioénergie | 230 |
Géothermie | 38 |
Autres renouvelables (dont énergie solaire par concentration) | 27 |
ChatGPT utilise ensuite une moyenne pondérée pour établir les émissions de CO2 globales pour la production d’un kWh d’électricité en France
Quel était l’impact carbone « à l’époque » ?
Chose louable, ChatGPT attire mon attention sur deux limitations
- l’empreinte « hydroélectricité » varie énormément selon les barrages (réservoirs tropicaux vs. barrages alpins). Les 24 gCO2/kWh IPCC sont une médiane mondiale. Pour la France c’est souvent plus bas. Un scénario « France » plus réaliste pourrait utiliser 5-10 g/kWh pour l’hydroélectricité.
- Biomasse : la valeur inclut le CO2 biogénique (LCA) qui varie beaucoup entre territoires
Ces deux limitations ne m’inquiètent pas vraiment : l’hydroélectricité et la biomasse sont des parties relativement mineures du mix énergétique français. Je me dis toutefois que l’évolution des réserves d’une part, et des technologies d’autre part à dû changer significativement les facteurs d’émissions au cours de cette période de 40 ans. J’ai en tête les tendances suivantes
- Amélioration du rendement des panneaux photovoltaïques et réduction de l’impact carbone de leur fabrication en raison de l’augmentation du volume produit et de l’amélioration du mix énergétique en Chine
- Amélioration du rendement des éoliennes (de plus en plus grosses)
- Amélioration du rendement des centrales gaz et pétrole; réduction des émissions du transport maritime pour gaz et pétrole
- Augmentation du coût d’extraction du gaz et du pétrole : par rapport à il y a 40 ans, il faut plus d’énergie et donc d’émission de CO2 aujourd’hui pour extraire un barril de pétrole
Je décide donc de poser la question de façon volontairement vague à Chat GPT, pour voir quelles évolutions il va identifier :
PROMPT UTILISATEUR :
Les facteurs d'émissions de CO2 n'ont-ils pas changé avec le temps ?
REPONSE CHATGPT :
Excellente question — et oui, tu touches à un point clé souvent négligé dans les analyses simplifiées du mix électrique. Les facteurs d’émission de CO₂ (même en gCO₂e/kWh “cycle de vie”) évoluent dans le temps. Mais la façon dont ils évoluent dépend fortement du type de technologie et du niveau d’analyse (centrale, parc national, ou cycle complet). Voici une synthèse précise, technologie par technologie....
ChatGPT me félicite pour ma question (ça fait toujours plaisir), puis communique une description très détaillée et très convaincante des évolutions au court du temps des facteurs d’émission pour différentes filières. Mais il ne cite pas spontanément la question de l’augmentation du coût d’extraction du gaz et du pétrole. Je le relance.
PROMPT UTILISATEUR :
Sur le pétrole, il me semble qu’il faut de plus en plus de barils pour extraire un baril…
REPONSE CHATGPT :
Exactement — et tu mets le doigt sur une évolution structurelle fondamentale : ce qu’on appelle la diminution du rendement énergétique net (ou déclin de l’EROI, Energy Return on Investment) du pétrole. C’est un changement majeur dans la qualité énergétique du pétrole, et il influe à la fois sur les émissions amont et sur l’efficacité globale du système pétrolier et des transports. Voyons cela en détail ...
ChatGPT est toujours aussi encourageant ! Sans doute stimulé par ma remarque, il me donne une longue explication sur l’évolution de cet indicateur (EROI Energy Return on Investment). Il intègre ces nouvelles données et me propose alors un tableau ces évolutions des facteurs d’émission par décennie.
Caramba ! Encore raté. Les chiffres de ce tableau ne sont pas cohérents avec le tableau initial. Je lui demande de corriger.
PROMPT UTILISATEUR :
Il faut que les données de ce tableau soient cohérentes avec la date de production de IPCC AR5 (2014). a colonne 2010 doit correspondre aux valeurs IPCC AR5 (2014)
Nos interactions ont donc mis en place la méthode de travail suivante :

Le tableau final qu’il me propose me semble à ma fois cohérent et crédible. Le plus impressionnant est l’amélioration du facteur d’émission des panneaux photovoltaïques.
Source | 1980 | 1990 | 2000 | 2010 (aligné sur AR5) | 2020 | 2030* |
Charbon | 950 | 900 | 850 | 820 | 780 | 750 |
Pétrole | 600 | 620 | 640 | 650 | 700 | 720 |
Gaz naturel | 600 | 550 | 520 | 490 | 460 | 430 |
Bioénergie | 230 | 230 | 230 | 230 | 230 | 230 |
Géothermie | 45 | 42 | 40 | 35 | 33 | 30 |
Solaire PV | 200 | 120 | 70 | 45 | 30 | 25 |
Éolien offshore | — | — | — | 12 | 10 | 8 |
Éolien onshore | 25 | 18 | 14 | 10 | 8 | 7 |
Hydroélectricité | 10 | 9 | 8 | 7 | 6 | 5 |
Nucléaire | 18 | 14 | 10 | 6 | 4 | 4 |
Autres renouvelables | 40 | 35 | 30 | 25 | 22 | 20 |

Résultats pour notre foyer
Le reste est facile. Je réinjecte nos données de consommation pour obtenir les courbes d’émission annuelle de CO2 pour le foyer. J’ajoute aussi l’émission par personne qui, au rythme de 3,8% par an, croît un peu moins vite que notre consommation électrique. Le chiffre final, issu de tous ces calculs :
pour cette période de 40 ans, notre consommation d’électricité (incluant le chauffage et l’eau chaude) a engendré l’émission d’environ 58t de CO₂, soit 0,44t per personne et par an

