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Le châtaignier de Mathilde à Vauhallan

Ce dimanche, nous avons été intrigués par cette souche, croisée lors d’une promenade sur les hauteurs de Vauhallan, exactement ICI. Qui est cette Mathilde? Petite exploration qui nous en a appris beaucoup sur l’économie de la culture de la fraise à Vauhallan à la fin du XIXème siècle, et sur les transports par «chemin de fer sur route», mais qui a laissé sa part de mystère sur l’identité de Mathilde…

Vauhallan, une économie fondée sur la culture de la fraise fin XIXème

La fraise,sur le blason de Vauhallan.

Une recherche nous renvoie dans une premier temps quelques informations tirée de lettre Vauhallan à la une de Juin/Juillet 2021. Les côteaux de Vauhallan étaient propices à la culture de la vigne. Rappelons que le vignoble d’Ile de France était à la fin du XIXème siècle, avec 42.000 hectares, la région viticole la plus importante en France. Il fut anéanti vers 1900 par le phylloxéra, arrivé en France vers 1865. La culture de la fraise qui prit alors le relais.

Les fraises cueillies étaient stockées au frais et triées dans des cabanes à fraises, dont l’ultime exemplaire se situe Grande Rue. Cela me donne l’occasion d’une petite balade en vélo pour la retrouver et la prendre en photo.

Cabane à fraise – Vauhallan

Une cabane à fraise est effectivement toujours là, sur la grande rue de Vauhallan (localisation Google Maps).

Les fraises étaient ensuite disposées dans des paniers en osier avec les feuilles du Châtaignier de Mathilde, chemin des Caves, où les anciens allaient à la feuillée. Voilà, je sais à quoi servait le chataignier de Mathilde!

Le soir vers 22h, les voitures à cheval, appelées tapissières, partaient pour les Halles de Paris où les fraises de Vauhallan, en particulier la Pacton et la Léopold, étaient réputées.

Pour en savoir plus sur un petit village à la fin du XIXème siècle, une source toujours intéressante est l’ensemble de monographies communales rédigées par les instituteurs de France pour la préparation de l’exposition universelle de 1900. Celles concernant l’Essone sont numérisées et disponibles sur le site des archives départementales. La collection concernant le canton de Palaiseau, dans lequel se trouve Vauhallan, est consultable ici.

De sa magnifique écriture en pleins et déliés, L. Vinot, instituteur de Vauhallan, nous indique en effet que

Monographie Communale de Vauhallan – L. Vinot – 1889

« Ce village admirablement situé au fond d’un étroit vallon qui commence aux étangs de Saclay et se termine à la vallée de la Bièvre, est abrité des vents du Nord par un coteau irrégulier à pente assez rapide avec des courbes prononcées qui montre à chaque instant des paysages nouveaux.

Autrefois des vignes et des bois couvraient ces petites collines si bien exposées aux rayons du soleil mais aujourd’hui ces plantations ont disparu pour faire place à des champs de fraisier que la belle exposition du midi fait mûrir. Le coteau opposé a une pente beaucoup plus douce et se développe assez régulièrement ; couvert autrefois de bois, il est aussi aujourd’hui planté de fraisiers. <…>

Ce petit pays bien pauvre autrefois a acquis aujourd’hui, grâce à sa culture maraîchère, particulièrement la fraise et les haricots, sinon la fortune au moins, l’aisance. C’est à Paris que sont expédiés tous les produits de son sol, légumes, fruits, céréales. L’hiver, les habitants s’occupent à tirer la pierre meulière expédié aussi sur Paris. On peut donc assurer que Vauhallan doit sa prospérité au voisinage de cette grande ville qui demande tant de choses à ses voisines.»

Des paysages transformés

Quelques cartes postales illustrent cette époque.

Vauhallan – Vue Générale – (et cueillette des fraises)
Vauhallan – Tour de Limon (XIIème siècle) (et cueillette des fraises)

Curieusement, cette photo ancienne a été prise à moins de 300m de l’emplacement du chataignier de Mathilde. La «tour de Limon» est l’ancien pigeonnier du chateau du fief de Limon. Ce colombier en grès et meulière a été percé de nombreuses fenêtres et son toit conique a été refait. Il accueille aujourd’hui les hôtes des bénédictines de l’abbaye Saint-Louis-du-Temple, qui a été construite juste après la guerre et occupé en 1952. (Source un autre document passionnant – L’inventaire du patrimoine de Vauhallan mené en 2012 pour toutes les communes touchée par l’Opération d’Intérêt National de Paris-Saclay)

Le constraste avec le paysage actuel, beaucoup plus boisé, est frappant.

Le paysage actuel (source Google Map)

La culture de la fraise aux environs de Paris

A la recherche des traces de cette économie basée sur la culture de la Fraise, un détour sur Gallica. Le Journal d’Agriculture Pratique de 1901 nous apprend tout que la culture de la Fraise se pratiquait bien au delà de Vauhallan.

De Palaiseau, je vous envoie ces Fraises – Source CPA-Bastille

Les terrains les plus propices à la culture en grand du fraisier aux environs de Paris sont situés au sud de Paris. Bourg-la-Reine, où commence cette culture, est à 9 kilomètres seulement des Halles centrales de Paris.

A partir de Bourg-la-Reine, la culture du fraisier s’étend en un vaste triangle, d’un côté, jusqu’à Longjumeau en suivant la route d’Orléans, et, de l’autre côté, jusqu’à Chevreuse, en suivant la route de Paris à Chevreuse par Châtillon et Bièvre. Palaiseau, où la culture du fraisier a lieu avec le plus d’intensité, est au centre de ce triangle. Les autres localités de cette région où le fraisier est le plus cultivé sont, par ordre d’importance, Igny, Verrières-le-Buisson, Orsay, Bures, Massy, Antony, Amblainvilliers, Vauhallan, Vauboyen, Saclay, Jouy-en-Josas. Par des routes faciles et par le chemin de fer de grande ceinture, les cultivateurs de ces trois dernières localités fournissent en outre au marché de Versailles.

Enfin, la localité de culture en grand du fraisier la plus éloignée et au delà du triangle indiqué, est Marcoussis, près Montlhéry, à 32 kilomètres de Paris, et à proximité de la route d’Orléans.

Il y a quelques années, les cultivateurs livraient encore leurs fraises aux Halles, soit en les apportant eux-mêmes avec leur voiture, soit en réunissant leurs envois chez des messagers qui se chargeaient de les transporter en commun sur de grands chariots aménagés à cet effet.

Mais, depuis, le chemin de fer de grande ceinture, qui dessert la région fraisière de Longjumeau à Jouy-en-Josas en passant par Massy-Palaiseau, et le chemin de fer de Paris à Limours, qui traverse la région de Bourg-la-Reine à Chevreuse, font parvenir les fraises par des trains spéciaux, à la gare des marchandises de Paris-Denfert. Là, elles sont camionnées, soit par le chemin de fer, soit par des particuliers, jusqu’aux Halles, où elles arrivent la nuit, en vingt minutes, et toujours sur des voitures aménagées pour qu’elles puissent être transportées sans heurts.

Mais le trafic le plus commode a lieu à l’aide du chemin de fer sur route d’Arpajon à Paris1.

Depuis le point le plus éloigné de Paris, Marcoussis, jusqu’au point le plus rapproché, Bourg-la-Reine, ce chemin de fer recueille, à toutes les stations de la route d’Orléans, pour ainsi dire sur le seuil même des champs, toutes les récoltes de fraises de la région. Il en est de même d’ailleurs de tous les produits de cette région. Tous ces envois sont dirigés par des trains spéciaux, dans l’après-midi, sur la gare aux marchandises du Grand-Montrouge. De Bourg-la-Reine au Grand-Montrouge, le trajet est de douze à quinze minutes. La nuit ces mêmes trains spéciaux amènent directement les fraises aux Halles. Le premier train part à minuit trois quarts du Grand-Montrouge et arrive à 1 heure sur le carreau, en suivant les voies des tramways parisiens. En pleine saison, il arrive ainsi chaque nuit aux Halles, trente wagons, en moyenne, Aussi les cultivateurs n’apportent-ils presque plus, avec leurs voitures, leurs fraises, ni leurs autres produits aux Halles.

Le sol arable de toute cette contrée est particulièrement favorable à la culture du fraisier. Dans les vallées, il est constitué par une bonne terre franche généralement assise sur ce qu’on appelle, en géologie, le diluvium rouge. Sur les plateaux et sur les pentes, la terre franche est plus riche en oxyde de fer et elle est, surtout sur les pentes, assez fortement mélangée de cailloux de silex ; là elle repose sur l’étage dit, en géologie, des « meulières de Beauce ». Par les labours profonds à la charrue, l’incorporation au sol de ce sous-sol ferrugineux et caillouteux, est éminemment favorable à la végétation du fraisier.

Ajoutons que, partout, les cultures les plus précoces sont situées sur les pentes exposées au midi.

H. DAUTHENAY.

Quelles variétés, quelles méthodes de culture?

Le journal l’Agricuture nouvelle du 1er janvier 1927 nous apprend que la culture de la fraise se pratiquait encore dans les années 30 dans le sud de la région parisienne.

« La culture est faite en lignes régulièrement espacées de 70 centimètres, permettant le passage de Ia houe à cheval, tandis que, dans cette dernière région (vallée de la Bièvre), la plantation est faite par planches à deux rangs (parfois trois) espacés de 70 centimètres et séparées par des sentiers de 60 centimètres»

Les variétés de grande culture sont évoquée : « la plus répandue est Mme Moutot, dite aussi fraise-tomate, en raison de l’énormité de ses fruits, mais dont la qualité laisse beaucoup à désirer, puis la Sir Joseph Paxton, le « pacton » des Halles de Paris, la Jucunda, qui est demi-tardive, l’Alphonse XIII, recherchée par les confiseurs et pour l’exportation en raison de ses fruits très fermes et d’un beau rouge, qui remplace la Vicomtesse Héricart de Thury, l’ancienne « Ricart » que l’on délaisse malgré la qualité de ses fruits parce que trop petits et peu productive; enfin Tardive de Leopold ou Léopold Salles, qui fleurit encore quand les hâtives, comme la Noble, mûrissent, et quelques autres, comme Royal Sovereign, Sensation, Bedford, Champion, d’importance secondaire.»

Je consulte un autre site qui est une mine d’information : la numérisation intégrale, par un passionné, du Chasseur Français (années 40, années 50). Le Chasseur Français N°637 Mars 1950 Page 162 nous donne quelques détails sur certaines de ces variétés

Variétés précoces recommandées.

Royal Sovereign (obtention de Paxton) est une variété de bon rendement, à cultiver dans les terres saines, légères ou sableuses. Son fruit est gros, d’une belle couleur rouge vermillonné ; sa chair est ferme, juteuse et sucrée. Toutefois, dans les terrains mouilleux, il s’altère facilement.

Alphonse XIII, de la Maison Vilmorin, est un fraisier rustique, résistant à la sécheresse. Son fruit est conique, régulier, d’une belle couleur rouge écarlate à la chair ferme, rosée, juteuse, sucrée et parfumée. En raison de sa fermeté, cette fraise convient pour le panier.

Bonnes variétés de pleine saison.

La plus précoce et l’une des meilleures fraises de grande production : c’est la Vicomtesse Héricart de Thury, dénommée Ricart sur les marchés parisiens. Ce fraisier rustique et fertile fructifie de fin mai au 15 juin.

Sir Joseph Paxton, originaire d’Angleterre, est un fraisier rustique, vigoureux et très fertile, à fructification prolongée. Son fruit n’est pas très régulier, mais il est d’un rouge foncé brillant, et sa chair est juteuse, légèrement acidulée, riche en sucre. Il est cependant sensible aux affections cryptogamiques en année humide.

La fraise Sir Joseph Paxton, commercialisée en France sous le nom de Pacton

Madame Moutot (fraise tomate) dépasse toutes les autres par la taille. Si elle n’est pas de toute première qualité, elle atteint un tel rendement qu’on doit lui réserver une certaine place dans tous les jardins familiaux.

Jucunda, apparu apres 1850, aspect rouge brillant, chair rouge, graines saillantes, maturité demi-tardive,

Tardive de Léopold (ou reine des tardives) : Présent dans les catalogues de jardin en 1930, d’origine allemande, assez grosse fraise en forme de coeur, chair blanche et ferme, juteuse, sucrée et très parfumée, maturité tardive.

1 commentaire pour “Le châtaignier de Mathilde à Vauhallan”

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