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Gérer son effort en trail?

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Trailer moyen (oscillant en général entre 40% et 50% au classement scratch) et surtout, sans expérience en trail long, je me suis inscrit cet année pour le Grand Raid des Pyrénées, ce qui m’a conduit (on ne se refait pas) à faire un peu d’analyse de données et réfléchir à la « science » de la gestion des efforts longs et à un peu de . Ce billet a vocation à partager les éléments de réflexion. Puisse le lecteur pardonner mes naïvetés, ma seule expérience (récente) est un 42km/1850mD+.

Quelques observations de départ :

Observation 1 : Sur la décroissance de la vitesse moyenne tenable avec la durée de l’effort

Je suis frappé par le fait que nous avons tous en tête ce modèle « en pente descendante »:

  1. au départ était la VMA (Vitesse Maximale Aérobie)
  2. la vitesse moyenne maximale tenable décroit avec la durée de l’effort.
  3. que faire pour limiter cette décroissance (augmenter VMA, entrainements spécifiques pour la VME…) ?

C’est une approche intéressante (voir le post de bobchou qui explique bien cela et tous les autres commentaires) et il est normal que nous ayons cette vision des choses, car on commence en général sur du court, puis on passe à des distances de plus en plus grandes en essayant de ne pas perdre trop de vitesse.

Face à cette observation, je me demandais ce que pouvait apporter une approche « montante », qui construirait la VME non pas à partir d’une VMA « dégradée » mais à partir … de la vitesse de la marche. La plupart des trailers bien entrainés sont capables de marcher à bonne vitesse pendant très longtemps. On pourrait donc se demander prendre ça comme base de travail et se demander comment accélérer cette « vitesse de base » de la manière la plus optimale possible. L’intérêt de cette démarche est plus grande pour les trailers de niveau moyen (qui passent une assez grande partie de l’épreuve à marcher). En gros, on se projette sur l’idée de base d’une longue rando, et on se demande ensuite comment gagner du temps.

Observation 2 : Où l’on passe de vitesse moyenne à vitesse instantanée décroissant avec le temps

La réalité de beaucoup de trails longs est qu’une grande majorité de coureurs partent à un certain rythme et que ce rythme va progressivement décroitre à mesure que la fatigue (physique, mentale), les crampes ou les blessures font leur œuvre. On accepte donc –pour beaucoup de coureurs – insensiblement l’idée que la progression ne sera pas régulière, mais qu’elle va être de plus en plus lente, et qu’il faut donc trouver le moyen de retarder cette décroissance de la vitesse. C’est toute la différence entre la vitesse moyenne décroissant avec la durée totale de l’effort (Observation 1) et la vitesse instantanée durant la course décroissant au fur et à mesure du temps de l’épreuve.

Ce serait intéressant d’ailleurs de voir dans quelle mesure les vitesses décroissent avec le temps en trail. La difficulté est que chaque section du trail possède un profil (dénivelé, difficulté technique) différent, et qu’il est donc difficile de comparer les vitesses sur des sections différentes.

La théorie de la performance sur du long-plat (100km ou 24h) est qu’on réussit mieux quand on est régulier (voir les exemples frappants que donnent Bruno Heubi dans son bouquin). Transposé au trail, il faut donc se demander –ce que font certains des posts ci-dessus-

  1. que veut dire « être régulier » sur une épreuve type trail. FCM absolument régulière ??? Effort musculaire régulier ??? FCM ne variant que dans une certaine plage…
  2. compte tenu du profil de l’épreuve, comment déterminer ma cible de régularité ; qui déterminera mon objectif temps.

Pour essayer de valider cette idée (relation entre régularité de l’effort et résultat final en trail), j’ai un peu travaillé sur des données de courses. Pour l’instant je n’ai eu le temps que de faire une analyse (le 80km du GRP 2009). La méthode d’analyse employée est la suivante :

  • Récupération des temps des coureurs sur 6 sections du parcours.
  • Calcul de la vitesse de chaque coureurs sur chaque section
  • Calcul de la vitesse moyenne de l’ensemble des coureurs sur chaque section (représente la difficulté de la section)
  • Calcul pour chaque coureur d’un « indicateur d’effort » pour chaque section. Cet indicateur d’effort est obtenu en faisant le rapport entre sa vitesse sur la section et la vitesse moyenne sur la section. L’intérêt de cet indicateur est de pouvoir le comparer entre deux sections à profil très différent.
  • Élaboration du profil d’effort de chaque coureur : le profil est la succession des indicateurs d’efforts sur les différentes section. Un bon coureur régulier aura un profil haut et plat (toujours x% plus rapide que la moyenne).
  • Analyse des profils d’effort et corrélation avec résultat final (comment les différents coureurs ont géré leur effort, par rapport à la moyenne des efforts).

Mes remarques sur cet exemple :

  • Les 50 premiers ont un profil d’effort notablement montant
  • Les 50 «milieu du tableau » ont un profil assez plat
  • Les derniers ont un profil descendant (normal, on peut faire l’hypothèse qu’ils sont cassés ou épuisés sur la fin)
  • Plus le temps passe, plus la dispersion de vitesses moyennes augmente. Une manière de calculer cette dispersion est de faire le rapport entre le temps du dernier et du premier sur la section, et le temps moyen sur la section. Sur la première section, l’écart entre premier et dernier est de 82% du temps moyen sur la section. Ce rapport augmente très régulièrement au fur et a mesure des section (88%, 105%, 130%, 165%). Une manière plus rigoureuse (mathématiquement) de mesurer cela est de calculer l’écart type des temps sur la section. On trouve exactement le même résultat. Ca veut dire, en langage de coureur, que plus la course avance, plus les écarts importants se creusent. On le sait tous, intuitivement, mais là, on voit que la dernière section creuse deux fois plus d’écart que la première section.
  • Plus intéressant, j’ai regardé la corrélation entre les indicateurs d’efforts sur les différentes sections et les performances finales. Cette corrélation est la même sur toutes le sections (normal : plus un coureur été rapide sur l’ensemble, plus il a été rapide sur chaque section), sauf pour la première section (montée initiale 1400mD+). On voit sur cette section très nettement que les meilleurs ont un indicateur d’effort notablement sur la première section plus faible que sur les autres. A méditer…

Observation 3 : Où l’on se dit que la fin de la course est plus importante que le début

Si on pousse la réflexion sur la décroissance de cette vitesse, on se rend assez vite compte qu’il y a donc beaucoup plus de temps à gagner « à la fin des courses » qu’au début. Le problème de la régularité est amplifié par le fait qu’un trail typique est dissymétrique. Le départ et l’arrivé étant dans une vallée, on commence en général par monter plus au début, pour descendre plus vers la fin. En termes plus précis, la moyenne des montées se situe « plus tôt » que la moyenne des descentes. Le seul cas perso où j’ai fait le contraire a été la traversée du grand canyon, et ça fait tout bizarre de commencer par descendre 1800m pour les remonter ensuite. Pour revenir à cette observation, qui fait un peu « enfonçage de portes ouvertes » je l’avoue, on en arrive trop souvent à regretter le fait qu’on arrive trop fatigué, crampé, cassé pour la (les) dernière(s) descente(s), qu’on fait donc lentement alors qu’il y avait beaucoup de temps à gagner là.

Observation 4 : Où l’on passe de notion de vitesse moyenne maximale « tenable » à la notion de gestion instantanée de course visant une efficacité maximale

En fait, toujours pour le trailer moyen que je suis, le concret de la course est une suite de micro-décisions de course (je mets à part tout ce qui concerne l’alimentation). Je pars à quelle vitesse ?, je commence à marcher à quel moment ? Je relance en course à quel endroit et sur la base de quels critères ? Je m’arrête, et pour combien de temps ? Une question que je me pose est donc la suivante : afin d’assurer une vitesse moyenne de course la meilleure possible compte tenu de mon niveau, sur quels critères je vais bâtir ma gestion instantanée de la course.

Partons de l’idée (observation 2) qu’on marche tout le temps et considérons les temps de course comme des « efforts supplémentaires ». Ce qui détermine avant tout ma performance sur le long, c’est certainement mon Endurance (physique et mentale) mais aussi et surtout, à endurance donnée, l’efficacité de mes efforts supplémentaires.

Il faut chercher donc en permanence à maximiser l’efficacité de mes temps de course : rapport entre « effort fourni et/ou risques pris (crampes blessures)» et le gain en temps engendré par cet effort.

Sur ce thème, il me semble que l’efficacité maximale des temps de course est obtenu (par ordre décroissant) dans les situations suivantes :

  1. plat roulant
  2. descente moyenne roulante
  3. plat technique
  4. descente moyenne technique
  5. montée moyenne roulante
  6. montée moyenne technique
  7. montée forte roulante
  8. montée forte technique

En suivant mon raisonnement, il faudrait donc en priorité s’assurer d’être en mesure de courir, tout au long de la course, sur les situation 1, puis –si je veux améliorer ma performance- sur les situation 2, et puis sur les situation 3 etc… A niveau d’endurance donné, le meilleur temps de course sera celui qui sera régulier dans sa capacité à courir tout au long de la course en privilégiant en permanences les situations les plus efficaces.

Évidemment, cette idée butte sur trois difficultés pratiques

  1. je ne peux pas savoir « à l’avance » si je suis capable de courir régulièrement et tout au long de l’épreuve, dans les situations 1, 1 et 2, 1 et 2 et 3…
  2. je ne sais pas (sauf reco ultra-précise) quel sera le kilométrage dans chacune des situations
  3. je dois adapter ma stratégie à mon niveau de fatigue. Si je me rends comptes en cours de course que j’en ai encore sous le pied par rapport à ce qui reste à courir, je peux augmenter les situations dans lesquelles je vais courir. Si au contraire je sens que ça ne tiendra pas, il faut arrêter de courir dans les situations les moins efficaces pour garder ses forces pour les situations les plus efficaces.

En résumé

En mélangeant ces observations, je me demande si une philosophe réaliste pour le traileur moyen qui veut améliorer sa performance serait de ne pas se focaliser sur la vitesse de course, mais sur la gestion optimale de l’énergie dépensée, au delà de l’énergie de base qui serait dépensée sur une course faite entièrement en marchant. Concrètement, en termes de stratégies d’entraînement, il s’agirait de faire des rando-courses et travaillant au maximum le reflexe «gestion de l’efficacité » :

  • même si ca semble facile, quand je suis en début de parcours, je marche afin de pouvoir maintenir dans le futur ma capacité à dérouler dans les sections à bonne efficacité.
  • je travaille à identifier rapidement si, compte tenu de mon niveau d’endurance, je dois courir ou marcher dans telle ou telle circonstance.

En termes de stratégie de course, il s’agit de bâtir une approche permettant d’obtenir le maximum possible situations de course efficace. Ca pourrait marcher comme ça :

  1. je détermine une objectif temps compte tenu de mon niveau, et du profil de l’épreuve
  2. je cherche à être régulier sur cette durée (notion à définir plus précisément), et surtout, à « bien terminer ». Je veille en particulier à commencer « en dedans » sur la première section.
  3. je bâti une stratégie de gestion de course me permettant de tenir mon objectif. Par exemple je me détermine à courir (à un niveau d’intensité cardiaque déterminé) sur toutes les situations 1 à 4, et uniquement sur celles-ci.
  4. j’évalue en permanence ma capacité à tenir mon « régulateur d’efficacité» jusqu’à la fin. Si j’ai un doute, tout de suite et sans attendre d’être obligé de le faire ; je réduis d’un clic (dans mon exemple, je ne cours plus que dans les situation 1 à 3). Cette évaluation est sans doute dure à faire et demande pas mal d’expérience.

Bon, j’ai peut-être enfoncé des portes ouvertes, et je me demande si cette réflexion ouvre un angle nouveau et complémentaire à l’idée de l’augmentation de la VME (Vitesse Maximale d’Endurance).

Quelques éléments de physiologie du sport

Dépense Energétique : Energie puisée dans notre métabolisme pour mener une activité (pour plus de détails, voir http://www.humans.be/physio%20bioenergetique.html. Pour les physiciens qui liraient ce papier, il est bien évident que la notion de dépense énergétique correspond à des puissances)

Pour fixer un ordre d’idée, la dépense énergétique d’un adulte moyen au repos est d’environ 100W

  • muscles au repos : 20% du total, soit environ 20W
  • cerveau : 20% du total, soit environ 20W
  • métabolisme de base : 60% du total, soit environ 60W

Face à une activité physique, la dépense énergétique augmente progressivement

 

Puissance Totale Consommée (Dépense Energétique)

Muscles

Cerveau

Autre

 

W

kcal/mn

W

W

W

Repos

100

1

20

20

60

Marche rapide plat

400

2

320

20

60

Course plat

700

7

620

20

60

Course intense plat

2000

20

1920

20

60

Puissance produite : Puissance fournie par les muscles pour courir, marcher, monter ou descendre.

Cette puissance produite est différente de la dépense énergétique. En effet, les muscles ont un rendement inférieur à 1. Il semble que ce rendement soit pour des situations et des coureurs normaux, d’environ 40%. Une dépense énergétique de 400W (marche rapide sur le plat) ne fourni en réalité que 100W de puissance motrice, les 300W restant étant convertis en chaleur.

Relation entre Puissance produite et Fréquence Cardiaque.

A niveau d’entraînement donné (VO2Max fixé), la Fréquence cardiaque varie linéairement avec la puissance produite (et donc à la dépense énergétique). L’apport d’Oxygène, qui est proportionnel à la FC, est aussi proportionnel à la puissance produite.

Pour donner un exemple, voilà la courbe FC en fonction d’une charge de pédalage lors d’un test d’efforts.

Dans ce cas, la variation de la Fréquence Cardiaque avec la charge est de (courbes rouges et bleue) :

FC = 0,32*(PProd+250)

250W correspond à une dépense « au repos » (métabolisme basal), ce jour là (sujet debout, température assez importante…).

Attention, pour un niveau d’entraînement donné, la droite qui relie la fréquence cardiaque avec la charge va changer en fonction de nombreux paramètres :

  • Le métabolisme basal va varier en fonction de la température (plus il fait froid ou chaud, plus on dépense pour lutter contre le froid ou le chaud) 
  • Le métabolisme basal va varier en fonction de la manière de se nourrir. La digestion « utilise » en effet beaucoup d’énergie. Un adulte normal dépense en moyenne 30W pour la digestion. Bien évidemment, cette consommation n’est pas régulière dans le temps, et se concentre dans les quelques heures après les repas
  • La pente de la courbe va dépendre principalement du VO2 Max (donc de l’entraînement), mais aussi de l’altitude. Il faut savoir que le VO2Max diminue de 8-10% tous les 1000m d’altitude. Dans l’exemple ci-dessus, la relation FC/Charge serait modifiée. La courbe verte montre bien la dégradation relativement importante, même à 1500m, de la FC correspondant à un effort donné.

Relation entre Puissance produite et « situation de course »

En situation de course, la puissance nécessaire pour avancer dépend

  1. du maintient de la station debout (paramètres : poids du coureur et de son équipement)
  2. de la mobilité « horizontale » (paramètres : vitesse atteinte, efficacité de la foulée liée aux difficultés du terrain, vent)
  3. de l’effort nécessaire pour monter (paramètres : dénivelé positif, poids du coureur et de son équipement)
  4. de l’effort nécessaire pour descendre, ou plus exactement pour freiner la descente. (paramètres : dénivelé négatif, poids du coureur et de son équipement). Notons d’ores et déjà que cet effort est exactement le même (en termes d’énergie consommée) que l’effort de montée. Ce ne sont pas les mêmes muscles qui travaillent, mais ils consomment exactement la même chose en montée et en descente.

Selon http://faculty.css.edu/tboone2/asep/Harris.doc la puissance métabolique consommée varie proportionnellement au poids et à la vitesse de course selon la relation suivante.

PMet=Poids*2,6+Poids*0,6*V

Le premier terme correspond au maintien de la station debout (vitesse nulle) et le second à croissance de la consommation métabolique avec le poids.

En tenant compte de l’efficacité musculaire, la puissance produite en courant à plat serait donc de 

PProd=Eff’*(Poids*2,6+Poids*0,6*V)

En ce qui concerne le dénivelé montant ou descendant on doit avoir :

PProd=Poids*g*Den/T = 9,81 * Poids * Den / T

On a donc les termes suivants :

PProd= Poids * [1,04+Poids*0,24*V + 9,81 * (D+ + D-)/T]

PMet= Poids * [1,04+Poids*0,24*V + 9,81 * (D+ + D-)/T]/Eff

Il me semble que pour aborder la question de la VGE, il faut se poser la question de ce qui détermine, de manière théorique cette VGE. Voilà comment je vois les choses:

Courtes distances (10km, semi) / route :

La VMA joue a plein. En gros, la VMA combine des aspects cardiaque (VO2max : capacité de la pompe cardiaque à alimenter les muscles -et aussi le cerveau :wink:- en oxygène) et des aspects d’efficacité de course (tonicité et efficacité de la foulée, absence de gestuelles parasites…). Nos vitesses limites sont le plus souvent liées à l’alimentation en Oxygène

Courtes distances (type 20) / trail :

La VO2max continue de jouer un rôle important : pour preuve, on court ce type d’épreuves à 80-90% de notre FCM. Mais le paramètre de l’efficacité de course spécifique au type d’effort (tout terrain + dénivelé) devient relativement plus important. La gestion de l’énergie (alimentation,…) commence à être nécessaire. Nos vitesses limites sont liées à l’Oxygène ET à la disponibilité de réserves de Glycogène

Plus longues distances (type 40km) / trail / ultra tail :

Là, je ne vois plus vraiment la VO2Max comme étant une limitation. Ce qui limite : la gestion de l’energie (alimentation, plus capacité à mobiliser son glycogène) et la fatigue musculo-tendineuse. Les muscles deviennent de plus en plus douloureux et surtout de plus en plus inefficaces (micro-lésions, déplétion de l’énergie,…). Cela est vrai aussi pour le coeur (gros muscle). Cela explique la réduction régulièe de la FCM qu’il peut tenir. Mais même en battant plus lentement, il apporte assez d’oxygène par rapport aux vitesses de course pratiquées.

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